Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
Depuis mars dernier, le règlement européen sur les marchés numériques, dit DMA, est entré en application, imposant de nouvelles règles à six géants du Net : Alphabet (Google), Amazon, Apple, ByteDance (TikTok), Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp), et Microsoft (Windows, LinkedIn). Ces mastodontes du numérique, qualifiés par le DMA de « contrôleurs d'accès », sont désormais obligés d'ouvrir leurs plateformes pour favoriser une plus grande diversité et innovation dans l'offre d'applications dont les consommateurs peuvent bénéficier. En outre, ils doivent garantir aux consommateurs un véritable choix quant à l’utilisation de leurs données personnelles.
Quelques semaines avant l'application de ces règles, je me demandais déjà si ces contrôleurs d'accès allaient vraiment réussir à se mettre en conformité dans les délais impartis. Les mesures prises à l'époque n'étaient guère rassurantes et laissaient présager des ajustements de façade plutôt que des changements de fond. Malheureusement, mes doutes se sont confirmés. Selon une analyse récente du Bureau européen des consommateurs (BEUC), dont est membre l’UFC-Que Choisir, aucun de ces géants du Net n'est pleinement en conformité avec le DMA, et ce, six mois après l'entrée en vigueur des nouvelles obligations.
Les stratégies de contournement mises en place par ces entreprises sont aussi diverses qu'ingénieuses. Lorsqu'ils sont contraints d'offrir plus de choix aux consommateurs, nombre d'entre eux recourent aux dark patterns – des interfaces trompeuses destinées à manipuler les utilisateurs et orienter leurs choix. Certains vont même jusqu'à forcer les consommateurs qui souhaitent refuser le partage de leurs données à souscrire un abonnement onéreux.
Une autre stratégie consiste à imposer des frais supplémentaires aux entreprises qui souhaitent percer dans les écosystèmes verrouillés de ces contrôleurs d'accès, dissuadant ainsi toute concurrence et innovation. Par ailleurs, certains géants préfèrent tout simplement prétendre que leurs activités ne sont pas concernées par le DMA, ou encore attaquer en justice leur désignation en tant que contrôleur d’accès. Jusqu'à présent, ils ont tous échoué.
Ces stratagèmes, aussi variés soient-ils, aboutissent tous au même résultat : les consommateurs se retrouvent restreints dans leurs choix et privés de leurs droits à la protection de la vie privée.
La Commission européenne a, jusqu'à présent, montré une réelle détermination à faire respecter le DMA, et je l'encourage vivement à persévérer dans cette voie. Les sanctions doivent être à la hauteur des infractions. À l’UFC-Que Choisir, nous resterons vigilants et n'hésiterons pas à passer à l'action si ces pratiques non conformes persistent.
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
La force d'une association tient à ses adhérents ! Aujourd'hui plus que jamais, nous comptons sur votre soutien. Nous soutenir
Recevez gratuitement notre newsletter hebdomadaire ! Actus, tests, enquêtes réalisés par des experts. En savoir plus