
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
Depuis mars 2024, le règlement européen sur les marchés numériques (DMA) est en vigueur, imposant de nouvelles obligations à six géants du Net : Alphabet (Google), Amazon, Apple, ByteDance (TikTok), Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) et Microsoft (Windows, LinkedIn). Booking.com a rejoint cette liste quelques mois plus tard. Désignés comme « contrôleurs d’accès » par le DMA, ces acteurs doivent désormais ouvrir leurs plateformes afin de favoriser une plus grande diversité et encourager l’innovation dans l’offre d’applications disponibles pour les consommateurs. Ils sont également tenus de garantir à ces derniers un réel choix quant à l’utilisation de leurs données personnelles.
Un an après son entrée en application, il reste difficile d’évaluer pleinement l’impact du DMA. L’atteinte de ses objectifs s’apparente davantage à un marathon qu’à un sprint.
Des avancées concrètes pour les consommateurs ont toutefois déjà vu le jour grâce au DMA. Il est désormais possible, sur les smartphones d’Apple, d’installer des magasins d’applications alternatifs, comme l’AltStore ou l’Epic Games Store, et ainsi d’accéder à des applications qui étaient auparavant indisponibles sur les appareils de la marque à la pomme. Il est également devenu plus facile, sur iOS et Android, de modifier le navigateur et le moteur de recherche par défaut. Enfin, les applications ont désormais le droit de proposer aux consommateurs d’autres moyens de paiement pour leurs achats in-app, en contournant les systèmes imposés par Apple et Google, qui prélèvent une commission avoisinant les 30 %.
D’autres avancées sont attendues mais n’ont pas encore été mises en place en raison des délais prévus par le DMA. C’est notamment le cas de l’interopérabilité des messageries. Une telle interopérabilité est considérée comme normale, voire indispensable, pour d’autres technologies de communication, comme l’e-mail ou le téléphone, où il serait impensable qu’un client d’Orange ne puisse pas appeler un client de Bouygues. Pourtant, cette situation prévaut encore pour les services de messagerie, qui ont pourtant remplacé ces anciennes technologies pour de nombreux consommateurs au quotidien. Une fois mise en œuvre, cette mesure permettra alors aux consommateurs de communiquer avec les utilisateurs de WhatsApp et Facebook Messenger via des applications tierces, qui peuvent être plus respectueuses de la vie privée ou plus innovantes que celles de Meta.
Tout n’est cependant pas parfait. Il n’est pas surprenant que les contrôleurs d’accès défendent bec et ongles leur position dominante, qui leur assure des bénéfices colossaux au détriment de la concurrence et du libre choix des consommateurs. Leurs stratagèmes pour contourner leurs obligations sont multiples : interfaces trompeuses (« dark patterns »), imposition de frais supplémentaires ou encore recours à des actions en justice contre la Commission européenne. Cette dernière n’est d’ailleurs pas restée les bras croisés et a déjà ouvert plusieurs enquêtes contre ces géants du Net.
Hélas, aucune décision contraignante n’a encore été adoptée. C’est d’autant plus regrettable que la situation a radicalement changé avec l’arrivée d’une nouvelle administration américaine. Dans une directive publiée en février, la Maison-Blanche s’attaque directement au DMA ainsi qu’à d’autres lois européennes et françaises visant, entre autres, à protéger les consommateurs des abus des géants du Net. Je réitère donc mon appel à nos autorités : elles ne doivent pas céder à ces pressions et doivent appliquer le DMA avec fermeté et rapidité.
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
La force d'une association tient à ses adhérents ! Aujourd'hui plus que jamais, nous comptons sur votre soutien. Nous soutenir
Recevez gratuitement notre newsletter hebdomadaire ! Actus, tests, enquêtes réalisés par des experts. En savoir plus