Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
La campagne de l’Agence de la transition écologique (ADEME) contre la surconsommation « Posons-nous les bonnes questions avant d’acheter », destinée à sensibiliser les consommateurs contre les achats frénétiques, suscite l’ire de la CPME et fait débat au gouvernement, le ministre de l’Économie appelant même à son retrait… Entre faux procès et vrai double jeu gouvernemental, je ne peux que soutenir cette initiative de l’ADEME.
Alors que l’UFC-Que Choisir défend une consommation responsable, il est l’heure de réécrire l’histoire de la consommation et redéfinir la notion de désir dans l’acte d’achat. En ce sens, je me suis réjouie du lancement la semaine dernière de la campagne de l’ADEME, incitant notamment les consommateurs à se demander avant l’achat s’ils ont réellement besoin d’un énième pull, du dernier téléphone à la mode, ou encore de remplacer un appareil électroménager en cas de panne, lorsque le recours à la réparation est possible.
J’attendais que cette campagne, de bon sens sur le fond, se déroule sans anicroche, puisqu’elle redonne au consommateur le pouvoir de sa véritable volonté en l’amenant à s’interroger sur l’acte d’achat. C’était sans compter sur la réaction de la Confédération des PME (CPME), qui demande ni plus ni moins que son retrait. Outrée, elle use d’accusations fortes : cette campagne « stigmatisante » ferait « l’apologie de la décroissance » et ne constituerait rien d’autre qu’une « gifle aux commerçants ». Rien que ça. Le point le plus intéressant à discuter ici est le fait que la consommation responsable porterait les germes de la décroissance de l’activité économique. Cette assertion est fausse.
Oui, pour l’UFC-Que Choisir, la consommation responsable, c’est consommer mieux, c’est consommer moins. Mais consommer moins, ce n’est pas nécessairement dépenser moins, ce n’est pas agir de facto contre la croissance. Promouvoir la consommation responsable, ce n’est pas plaider pour la décroissance de l’activité économique. Non. Toutefois, et nous le revendiquons parfaitement, c’est défendre la décroissance de l’exploitation de nos ressources naturelles, c’est défendre la décroissance des émissions de gaz à effets de serre, c’est défendre la décroissance des effets sanitaires désastreux liés à l’utilisation de pesticides visant une production toujours plus intensive.
Comme si cela ne suffisait pas, voilà que le gouvernement, par la voix du ministre l’Économie, pointe une campagne maladroite et culpabilisante et que celle-ci pourrait effectivement être retirée…
Halte aux faux procès. Si la campagne aurait pu circonscrire la problématique à l’achat de produits neufs, et donc également promouvoir l’achat de produits reconditionnés ou de seconde main, ou mettre davantage l’accent sur la responsabilité des professionnels ne mettant pas en place des modes de production ou d’approvisionnement pleinement en lien avec les enjeux environnementaux, elle a le mérite de la clarté, et invite les consommateurs, par l’intermédiaire d’un « dévendeur » s’adressant à eux, à se poser des questions basiques, certes, mais qui ne sont pas toujours automatiques, alors qu’elles devraient l’être…
Plutôt que de s’opposer à la promotion de la consommation responsable et se satisfaire d’une consommation déraisonnable (voire l’encourager), surtout en cette période de Black Friday, les entreprises, comme le gouvernement, gagneraient surtout à consacrer leur énergie à agir pour adapter les politiques de production et de commercialisation aux enjeux environnementaux cruciaux de notre temps.
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
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