Laurence Delain-David
Assurance vieLe palmarès des rendements 2015
Toujours plébiscités par les épargnants, les fonds en euros ont enregistré un nouveau recul de performance, en ligne avec l’effondrement des taux obligataires dont leur rendement dépend.
En dévoilant le 12 janvier pour son célèbre fonds en euros un taux de 3,05 % en recul de seulement 0,15 point par rapport à 2014, l’Afer (Association française d’épargne et de retraite) a sans doute fait des heureux. Rares sont en effet les contrats d’assurance vie qui parviennent désormais à franchir la barre des 3 % de rendement annuel (avant frais sur primes et prélèvements sociaux de 15,5 %). En témoignent les résultats qui commencent à tomber depuis quelques semaines : 1,8 % et 2,4 % pour les contrats de Macif-Mutavie, première à avoir ouvert le bal des taux 2015 dès la mi-décembre ; 2,35 % et 2,4 % pour les offres d’AG2R la Mondiale ; 2,8 % pour GMF ; 2,75 % pour Winalto de la Maaf, etc.
Seul à sortir du lot, Suravenir (filiale du Crédit mutuel Arkéa) a annoncé début janvier pour le contrat Sécurité Pierre Euro vendu par le groupe Primonial, un alléchant taux de 4 %. Mais il s’agit là d’un fonds « europierre » atypique, investi en immobilier tertiaire, qui ne reflète pas la réalité du marché.
Selon les prévisions de Cyrille Chartier-Kastler, président du cabinet Facts & Figures, la performance moyenne 2015 de l’assurance vie en euros, majoritairement placée en obligations d’État et d’entreprises, devrait tomber à 2,25 %, contre 2,5 % en 2014. Rapportée à une inflation atone et comparée aux 0,75 % que génèrent les livrets A, cette rémunération reste néanmoins correcte pour un produit d’épargne garanti et récupérable à tout moment. Pour rappel, il y a dix ans, en 2005, en valeur nette de hausse des prix, le taux moyen des fonds en euros était seulement de 2,4 %.
Dilution
Depuis plus d’un an, les assureurs composent avec une situation de taux obligataires historiquement bas (l’OAT, obligation assimilable du Trésor, 10 ans qui sert de référence au secteur est tombée sous la barre des 1 %) qui, combinée à des marchés boursiers en dents de scie, rend le pilotage de leurs actifs (quelque 1 600 milliards d’euros gérés au titre des contrats d’assurance vie !) fort délicat.
Investis à hauteur d’un tiers en moyenne en obligations d’État, les portefeuilles des compagnies sont d’autant plus impactés par ce contexte que l’assurance vie continue d’engranger plusieurs milliards de nouveaux versements (plus de cent milliards d’euros l’an dernier), qu’il faut bien réinvestir. « En achetant des obligations souveraines aux taux actuels, les compagnies diluent leurs portefeuilles et réduisent mécaniquement la part d’obligations plus anciennes et rentables qui arrivent progressivement à échéance », indique Cyrille Chartier-Kastler. Or la marge de manœuvre financière est étroite. Au moment même où les taux obligataires et monétaires sont au plancher, l’entrée en vigueur de nouvelles normes prudentielles (Solvabilité II) poussent les assureurs à réduire leur exposition en actifs risqués désormais plus gourmands en fonds propres. Résultat, plusieurs professionnels tablent déjà pour 2016 sur une performance moyenne des fonds en euros inférieure à 2 %.
Réserves consolidées
Les assureurs ont, dans leur grande majorité, continué de renforcer leur provision pour participation aux excédents (PPE). Alimentée par les surplus de bénéfices financiers engrangés lorsque les marchés sont bien orientés et redistribuée aux assurés dans les huit années qui suivent sa constitution, cette PPE permet de lisser la performance des contrats en euros dans le temps. Elle représente désormais dans nombre de compagnies au moins 3 % des encours sous gestion et constitue un gage de sécurité non négligeable pour l’avenir.
Performances dispersées
Cette année encore, les écarts s’annoncent importants entre d’un côté les contrats promus par de petites mutuelles, des associations d’assurés ou vendus sur Internet, dont les performances restent proches de 3 %, et de l’autre, l’offre standardisée de la bancassurance, plus près de 2 %. La taille et l’ancienneté des contrats concernés expliquent en partie cette disparité. Il est en effet plus difficile de gérer de façon active plusieurs milliards d’euros que quelques centaines de millions. Mais la pertinence des arbitrages financiers doublée de la volonté – ou pas – d’en faire profiter en priorité les assurés est également déterminante. Or force est de constater que les réseaux qui ont des actionnaires à rémunérer ménagent davantage leurs marges.
Taux bonifiés
Là encore rien de nouveau. Afin d’inciter leurs clients à souscrire des UC (unités de compte), plusieurs réseaux (Axa, Groupama, Crédit agricole, Swiss Life, etc.) majorent d’un « bonus » la rentabilité des fonds en euros des multisupports les plus diversifiés. Chez MMA par exemple, le taux de base servi en 2015 est de 2,35 %. Il grimpe à 2,85 % pour les contrats d’au moins 50 000 € contenant 20 % d’UC (2,50 % si seule une de ces deux conditions est remplie). Et ça marche ! « Les unités de compte représentent aujourd’hui plus de 20 % de notre collecte », se réjouit le directeur de MMA Vie, Geoffroy Brossier. L’assuré qui cède à ces sirènes commerciales ne doit pourtant jamais perdre de vue que les UC n’offrent aucune garantie du capital.
Quid d’une remontée trop brutale des taux d’intérêt ?
C’est ce que redoutent le plus les assureurs. Dans ce cas, les assurés pourraient être tentés de vider leurs contrats devenus insuffisamment rémunérateurs pour replacer leur épargne ailleurs. Les compagnies seraient alors confrontées à de sérieux problèmes de liquidités. Pour conjurer le sort, nombre d’entre elles préfèrent tabler sur un scénario de remontée progressive des taux qui devrait leur permettre de s’adapter au fil de l’eau.