Erwan Seznec
AristophilQuel collectif de victimes choisir
Les victimes de l’affaire des placements en lettres et manuscrits de la société de Gérard Lhéritier ont jusqu’au 10 juin pour faire une action en revendication auprès du mandataire judiciaire. Plusieurs collectifs de victimes se sont formés, mais certains sont à éviter.
Le nombre exact de particuliers floués dans l’affaire Aristophil reste indéterminé, mais ils sont des milliers. Le chiffre de 18 000 investisseurs ayant investi quelque 800 millions d’euros est régulièrement repris, sans plus de précisions.
Depuis les perquisitions du 18 novembre 2014, les procédures judiciaires sont en marche. Le 29 janvier, le tribunal de commerce de Lyon a mis en liquidation judiciaire Finestim et Art Courtage France, distributeurs des produits Aristophil. Selon nos confrères du Temps, la filiale suisse a cessé toute activité fin janvier. Idem pour la filiale belge. Aristophil fait l’objet d’une enquête pénale en Belgique depuis 2012.
Le 16 février 2015, le tribunal de commerce de Paris a placé Aristophil en redressement judiciaire, annonce publiée dans le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) du 10 mars.
Une procédure pénale suit son cours en parallèle au tribunal de grande instance de Paris. Le 5 mars, Gérard Lhéritier a été mis en examen pour escroquerie, avec sa fille Valérie Lhéritier, responsable des collections, de même que son expert-comptable et le libraire parisien Jean-Claude Vrain, fournisseur régulier et expert d’Aristophil. Le juriste qui rédigeait les contrats d’indivision, Jean-Jacques Daigre, a été entendu comme témoin assisté.
Il y a eu désignation d’un administrateur judiciaire, Me Gérard Philippot. Les clients d’Aristophil ont jusqu’au 10 juin 2015 pour faire une action en revendication, c’est-à-dire réclamer la restitution des lettres et manuscrits qui leur appartiennent, par l’intermédiaire de Me Philippot. Il est vivement recommandé de se faire représenter par un avocat, pour avoir la moindre chance de récupérer quelque chose.
Plusieurs collectifs de victimes se sont formés à ce jour. Ils sont animés par les cabinets d’avocats Lysias, Lecoq-Vallon et Ferron-Poloni, ainsi que l’association de défense des investisseurs en lettres et manuscrits (Adilema), défendue par le cabinet d’avocats PDGB.
Des conseils en gestion de patrimoine ayant commercialisé les indivisions Aristophil tentent parfois de fédérer des clients mécontents, notamment à travers les associations Opdia, AICLM, dont ils sont eux-mêmes membres fondateurs. Les clients pouvant être amenés à engager la responsabilité des commerciaux, ces derniers iraient-ils jusqu’à se poursuivre eux-mêmes ? Peu probable.
L’Adilema, pour sa part, refuse les adhésions de personnes ayant eu des liens d’intérêt avec Aristophil. C’est un gage de sérieux. Avec ses avocats, elle a défini une participation aux frais de procédure qui semble raisonnable, eu égard à la complexité de ce dossier à deux volets, civil et pénal.
Nombreux démêlés avec la justice
L’association Cparti (dont le nom complet est Notre culture, notre patrimoine Aristophil) est à éviter. Créée à Nancy par un ancien commercial, elle entend représenter les victimes, mais considère que Gérard Lhéritier en fait partie. L’ancien patron d’Aristophil bénéfice certes de la présomption d’innocence, mais sans parler de faute pénale, comment ne pas s’interroger sur son parcours ?
Du 19 décembre 1986 au 13 septembre 1989, il est sous le coup d’une interdiction de gérer, prononcée par le tribunal de Strasbourg pour des ventes de pierres précieuses ayant mal tourné. En février 2007, la cour d’appel d’Aix le condamne à 8 mois de prison avec sursis et 3 000 € d’amende dans l’affaire dite des « timbres de Monaco », décision confirmée par la cour de Cassation le 28 novembre 2007. En 2009, le fisc perquisitionne les locaux d’Aristophil dans le cadre d’une enquête sur sa filiale britannique Calwam (procédure dont la régularité sera confirmée par la cour de Cassation le 27 avril 2011). Le 19 avril 2013, la cour administrative d’appel de Paris condamne Aristophil pour malversation fiscale avec sa filiale Cipo-Palmeris au Luxembourg. Le 20 novembre 2013, Aristophil perd en justice au TGI de Paris contre le ministère de la Culture qui lui réclamait des lettres du général De Gaulle au titre de la loi sur les archives publiques. Aristophil avait acheté ces lettres et était prêt à les revendre en indivision, alors que c’était légalement impossible. En 2012, la justice belge ouvre une enquête pour escroquerie. Les enquêteurs compilent plusieurs centaines de témoignages. En 2014, la justice française ouvre à son tour une enquête, sur la base d’une patiente enquête de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). Cette enquête aboutit aux perquisitions, puis à la liquidation de la société. Les pierres, les timbres, les manuscrits ; la France, le Luxembourg, la Belgique. Trois activités, trois pays. Quelle était la probabilité que chaque entreprise se termine par des poursuites ?