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AristophilL’enquête sera longue

Les collections et les capitaux d’Aristophil, spécialiste de la vente de manuscrits et de lettres autographes en indivision, sont aux mains de la justice depuis les perquisitions menées en novembre 2014. Quelque 18 000 investisseurs sont pris au piège, sans doute pour des années.

Alerté par des professionnels des placements et des manuscrits, Que Choisir avait tiré la sonnette d’alarme dès 2011 concernant Aristophil. La brigade financière est finalement intervenue fin 2014, mettant un terme probablement définitif à l’aventure de cette société. Propriétaire du Musée des lettres et manuscrits à Paris, Aristophil avait mis en place un système de vente en indivision de manuscrits prestigieux (de Proust, Mallarmé, Hugo, etc.), avec valorisation des parts, qui étaient supposées prendre pratiquement 50 % en cinq ans. En réalité, la « hausse » des cours était alimentée par les fonds des nouveaux investisseurs entrant dans le système.

Ils étaient démarchés par des commerciaux souvent rattachés à la société Finestim, distributeur exclusif d’Aristophil, qui a cessé ses activités suite aux perquisitions de novembre.

À l’heure actuelle, quelque 18 000 investisseurs particuliers en France et en Belgique s’inquiètent pour leur épargne, à juste titre. Selon nos informations, en effet, les enquêteurs sont face à une situation passablement embrouillée sur le plan comptable et juridique. En principe, chaque investisseur devrait être propriétaire d’éléments bien concrets : des lettres, des manuscrits ou des parts de manuscrits, ayant une valeur monétaire inscrite dans des livres de compte. Valeur probablement surévaluée par Aristophil, mais valeur néanmoins, avec des actes notariés fixant les indivisions.

En pratique, Aristophil semble avoir fait preuve d’une désinvolture totale. Certains des actes « notariés » que nous avons consultés sont de simples courriers, sans aucune valeur juridique en tant que titre de propriété. La « valeur » totale attribuée à tel ou tel manuscrit varie en fonction des contrats. Il n’est donc parfois même pas possible  de rattacher un investissement à des œuvres quelconques. On ne sait pas qui possède quoi... Certaines œuvres figurent dans plusieurs indivisions. Elles auraient été vendues plusieurs fois. Comment identifier les propriétaires ?

Les dirigeants d’Aristophil ponctionnaient une large partie des fonds levés pour alimenter le train de vie fastueux de la société. Pour autant, il est rigoureusement impossible à ce jour de dire l’argent de quels investisseurs a été détourné des placements et dans quelle proportion.

Compte tenu de tous ces éléments, les enquêteurs estiment que le délai pour remettre à plat la trésorerie d’Aristophil et envisager un dédommagement partiel se compte en années.

Des cabinets d’avocats s’emploient actuellement à regrouper les plaignants pour une affaire qui s’annonce donc très longue et parfois dramatique. Au mépris des règles de diversification les plus élémentaires, des conseillers Finestim ont en effet incité de simples particuliers à investir 80 000 €, 120 000 € et même jusqu’à 300 000 € (provenant de la vente d’une maison) dans les indivisions Aristophil. 

Mise à jour du mardi 17 février 2015

Un administrateur judiciaire, Gérard Philippot, a été désigné le 13 février 2015 en lieu et place des dirigeants de la société Aristophil. Cette dernière a été placée en redressement judiciaire le 16 février par le tribunal de commerce de Paris. Comme le rappelait la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 mai 2010 concernant une autre affaire : « la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire de la société est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent »

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