Élisa Oudin
BNP ParibasLa banque mise en cause dans le financement d’attentats
Des survivants et parents des victimes des attentats de 1998 au Kenya et en Tanzanie ont déposé une plainte aux États-Unis contre BNP Paribas pour son rôle dans le financement de ces attentats. Une autre facette des institutions financières dans le cadre de leurs activités d’évasion et d’optimisation fiscales.
Une action de groupe a été intentée le 4 novembre 2015 devant un tribunal de Washington DC contre BNP Paribas et deux de ses filiales (BNP Paribas North America Inc. et BNP Paribas Suisse S.A.), en raison de leur rôle dans le financement des attentats menés par Al-Quaida et le Hezbollah contre les ambassades américaines à Nairobi (Kenya) et à Dar es Salam (Tanzanie) en 1998. Les deux agressions avaient entraîné la mort de 224 personnes et blessé 4 000 autres. L’actuelle action en justice fait suite aux aveux livrés par BNP Paribas dans son « exposé des faits » du 9 juin 2014 concernant son action au Soudan. L’établissement bancaire a ainsi été condamné en juin 2014 à une amende record de 9 milliards de dollars pour avoir violé la loi américaine en facilitant des milliards d’euros de transactions vers le Soudan, l’Iran et Cuba. Pour le cabinet d’avocats Fay Kaplan, qui représente les victimes, la banque a par cette action, « sciemment et intentionnellement fourni à Al-Qaida et au Hezbollah des ressources qui ont permis aux terroristes de planifier et d’exécuter les attentats de Dar es Salam et Nairobi le 7 août 1998 ».
Aux États-Unis, les actions de groupe sont des procédures beaucoup plus courantes qu’en France, avec des batteries d’avocats spécialisés sur ce secteur. Une précédente action a d’ailleurs déjà été menée par des victimes d’attentat contre BNP Paribas en raison de son action au Soudan, mais celle-ci n’a pas débouché.
La preuve que l’argent a servi aux attentats
S'agissant des des agissements de BNP Paribas au Soudan en infraction avec la loi américaine, la banque avait dans un premier temps dénoncé un acharnement américain, avant d'admettre devant le tribunal de New York sa culpabilité pour « méthodes opaques », « falsification de documents » et « collusion ». BNP Paribas a en outre également reconnu que « toutes ces méthodes recevaient l’appui inconditionnel de la direction générale de BNP Paribas à Paris », ce qui avait d’ailleurs participé au départ de 13 personnes au sein du groupe, dont le PDG, Guillaume Prot. La banque nie cependant toute responsabilité dans le financement des attentats et annonce qu’ « elle entend se défendre vigoureusement contre ces accusations ». L’avocat des victimes des attentats, Thomas Fay déclare quant à lui « pouvoir prouver qu’une partie de l’argent a bien été perçue par les organisations terroristes à l’origine des attentats au Kenya et en Tanzanie ». Il révèle que la BNP était notamment l’une des rares banques étrangères à avoir continué à œuvrer au Soudan en violation de la loi américaine et que ces pratiques ont perduré, malgré les rappels répétés dont le groupe BNP Paribas avait fait l’objet.
L’organisation Attac, qui a été l’une des premières à révéler en France la plainte aux États-Unis, estime la procédure exemplaire. Car, explique Thomas Coutrot, porte-parole de l’organisation : « Si BNP Paribas a clos ses activités au Soudan, à notre connaissance elle n’a pas, après l’affaire du Soudan, modifié ses pratiques dans les paradis fiscaux, par exemple dans les îles Caïmans. En tout, le groupe continue d’entretenir 171 filiales dans les paradis fiscaux. » L’année dernière, on trouvait encore, par exemple, sur le site de BNP un petit prospectus expliquant aux clients les méthodes d’optimisation fiscale fournies par la banque ! Attac précise bien ne pas prétendre que BNP Paribas finance encore aujourd’hui le terrorisme international. Mais estime que : « la présence massive de la banque dans les paradis fiscaux n’est pas de nature à nous rassurer. Et contribue sans aucun doute à blanchir l’image de places financières opaques, qui rendent service aux réseaux mafieux et criminels ». Et, comme nous l’expliquions dans une précédente enquête, les conséquences des stratégies d’évasion et d’optimisation fiscale des grands groupes et autres institutions financières sont multiples et nous concernent tous, à plus d'un titre.