Élisa Oudin
WeroLe concurrent européen de PayPal et Lydia voit le jour
Les banques françaises abandonnent le porte-monnaie électronique Paylib pour sa version européenne, Wero. Les clients y auront directement accès, d’ici fin octobre, généralement via leur application bancaire. Mais quel sera en pratique l’intérêt de ce nouveau service de paiement instantané pour les consommateurs français ?
Alors que le nombre d’utilisateurs de portefeuilles de paiement numériques, notamment l’américain PayPal et le petit français Lydia, ne cesse de s’accroître dans le monde, les banques européennes se sont entendues pour proposer un équivalent européen. Sous le nom de Wero, ce dernier sera directement disponible dans l’application bancaire des clients. Le service se substituera au porte-monnaie électronique Paylib, qui n’a jamais vraiment décollé et dont la fin est programmée pour début 2025. La majorité des grandes banques françaises, de la BNP au Crédit agricole en passant par le groupe BPCE, proposeront cette nouvelle option.
Virements instantanés gratuits
Concrètement, fin octobre, une majorité de Français pourront utiliser Wero via leur application bancaire et effectuer un virement instantané. Cette nouvelle solution européenne, qui doit, à terme, proposer l’intégralité des services de paiement, débute en effet avec cette première prestation. Celle-ci permettra de virer en quelques secondes de l’argent à n’importe quelle personne (particulier ou entreprise) résidant en France, en Allemagne, en Belgique… et, semble-t-il, dans un nombre croissant d’États européens, dans les mois qui viennent. Il suffira de renseigner le numéro de téléphone ou l’adresse e-mail du bénéficiaire, d’indiquer le montant viré et de valider la transaction pour verser l’argent de compte à compte.
L’opération sera gratuite. Aujourd’hui, un certain nombre de prestataires bancaires continuent en effet à faire payer les virements immédiats. À noter que cette facturation sera de toute façon prohibée par la future directive européenne sur les moyens de paiement (DSP3), qui entrera en vigueur en 2026.
Les promoteurs de Wero prévoient que d’ici 3 ou 4 ans, l’ensemble des services de paiement seront disponibles sur la nouvelle plateforme : paiement mobile en point de vente, paiement en ligne, abonnements, mais aussi des services tels que le paiement échelonné, l’intégration de programmes de fidélité des commerçants ou le partage des dépenses.
Techniquement, pas révolutionnaire
Aussi pratiques que puissent être les services que développera Wero, il ne s’agit absolument pas d’une nouveauté sur le marché. Toutes ces prestations sont déjà offertes par les principaux porte-monnaie électroniques : l’américain PayPal, mais aussi ceux des jeunes pousses de la Fintech française, à l’image par exemple de Lydia. Alors que Paylib peinait à fidéliser ses clients (en raison notamment de problèmes de compatibilités avec Apple), la start-up française Lydia, créée en 2011, est parvenue depuis plusieurs années à offrir tous les services promis par Wero aux particuliers : virements instantanés et gratuits entre particuliers, paiements en points de vente physiques, paiements en ligne avec une carte virtuelle… sans compter, depuis peu, la possibilité de crédits instantanés et la rémunération du compte de dépôt.
En outre, les virements Lydia sont d’ores et déjà possibles à destination de toute personne dans le monde possédant un compte bancaire, depuis son accord récent avec Apple Pay. « Quelle que soit sa banque en Europe, “faire un Lydia” est, depuis 2013, la manière la plus rapide de rembourser un ami. Désormais, c’est compatible avec 100 % des banques mondiales qui proposent Apple Pay », souligne Frédéric Scharly, responsable du développement du service Lydia chez Lydia Solutions.
Contrer un risque de monopole américain ?
Au-delà du service client, l’arrivée de Wero s’explique par une autre préoccupation. « Wero répond à l’enjeu stratégique de voir émerger une plateforme européenne du paiement dans un environnement mondial très concurrentiel », explique clairement Thierry Laborde, le directeur général délégué de BNP Paribas. Il est certain que les risques, y compris, à terme, pour les consommateurs (flambée des frais, clauses abusives, blocage total, etc.), seraient élevés si l’un des acteurs des paiements dématérialisés, en l’occurrence PayPal, devenait monopolistique. On ne peut donc en principe que se réjouir de l’arrivée de nouveaux opérateurs sur ce marché. Reste qu’il ne faudrait pas, à l’inverse, que Wero ait la tentation d’étouffer la concurrence sur le territoire européen. On sait à quel point les banques, notamment françaises, ont vu d’un mauvais œil l’émergence de start-up issues de la Fintech. Et on connaît l’ampleur de leurs efforts, dans d’autres secteurs comme l’assurance, pour verrouiller le marché.
Quant au dernier argument avancé par les banques pour promouvoir Wero, à savoir ses atouts en termes de sécurité des paiements, il est assez peu convaincant. L’ampleur des fraudes bancaires reste pour l’instant sans comparaison avec celles ayant pu concerner des portefeuilles électroniques.