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Boris Cassel
La presse se fait souvent l’écho des déboires de passagers de bus repartis sans eux à la fin d’une pause. Le pire, c’est que les transporteurs semblent dans leur droit !
Lors d’un trajet en bus de nuit entre Paris et Nantes, Karl a vécu l’enfer. « Il était quatre heures du matin. Le conducteur s’est arrêté sur une aire d’autoroute pour une halte de 15 minutes parce que les WC étaient hors d’usage », raconte-t-il. Avec sa compagne, il va aux toilettes, en respectant le temps imparti. À son retour, c’est la panique, son car a démarré. « Nous l’avons poursuivi mais, malgré nos cris, il est parti sans nous », déplore ce lecteur de Que Choisir. La presse regorge d’histoires similaires. Interrogés, les représentants des sociétés de transport n’éludent pas le problème. Ils ont même donné un nom à ces naufragés : les « passagers oubliés ». « Chez BlaBlaCar, c’est à peu près 1 tous les 10 000 », précise Aurélien Gandois, directeur des activités bus de l’entreprise.
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Les professionnels assument de faire partir un bus sans tous ses voyageurs. La pratique figure même dans leurs conditions générales. Ainsi, celles de FlixBus stipulent que « le personnel roulant ou d’accompagnement est autorisé à poursuivre le voyage si un passager n’est pas de retour au bus une fois le temps de pause écoulé, et n’est pas responsable de [son] absence après le temps de pause indiqué ». Si elle se défend juridiquement, cette position questionne sur le plan moral. « Nous demandons aux chauffeurs d’annoncer la durée des haltes avant la descente, afin que les voyageurs puissent les respecter », détaille Charles Billiard, porte-parole de FlixBus. Avant de poursuivre : « Ce sont des lignes régulières, avec des passagers qui ont des interconnexions. Si [à la fin de la pause] on commence à attendre celui qui a envie de finir sa cigarette ou qui hésite trop longtemps entre acheter des KitKat ou des M&M’s, les retards s’accumulent et l’organisation ne tient plus. » Mais que deviennent ces âmes en peine ? « Nous serions en faute si nous disions aux gens : “T’as loupé ton car, tant pis pour toi !” Notre responsabilité, c’est de faire arriver nos clients à bon port. Donc, nous prenons en charge le trajet des personnes oubliées, soit en leur appelant un taxi, soit en les faisant monter dans un bus qui arrive après », certifie Aurélien Gandois, de BlaBlaCar.
Ce n’est pas le traitement offert à une passagère d’un Paris-Amsterdam assuré par FlixBus en 2020. Descendue de l’autocar au cours d’une halte sur une aire d’autoroute, elle l’a vu repartir sans elle, emportant ses effets personnels (sac à dos avec caméra, montre, journal intime…). « Elle ne parle pas le français et s’est retrouvée, en tee-shirt, sur un parking en Belgique, à chercher du secours », résume son avocate, Me Hanane Praud-Tadini. Finalement, c’est « un automobiliste qui a accepté de la ramener jusqu’à Amsterdam. » La voyageuse n’a jamais récupéré ses affaires. Elle a donc attaqué en justice. Mais qui croire dans ce genre de cas ? La passagère, qui dit avoir respecté le temps de pause signifié par le conducteur, ou le transporteur, qui affirme le contraire ? N’ayant pas fourni la feuille de route, où sont consignées les étapes d’un trajet, FlixBus n’a pas convaincu les juges. La société a été condamnée à indemniser la cliente à hauteur de 550 € pour le préjudice matériel (une partie des affaires) et de 2 050 € au titre du préjudice moral. Un jugement qui pourrait bien faire date.
Boris Cassel
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