Yves Martin
Voitures électriques (vidéo)Des autonomies réelles très inférieures à celles annoncées
L’autonomie des voitures électriques déclarée par les fabricants est largement surévaluée. C’est la conclusion de notre test réalisé en conditions réelles, bien loin de celui pratiqué en laboratoire par les constructeurs.
En octobre dernier, nous avions réalisé des mesures d’autonomie sur certaines voitures électriques. Ces tests, effectués sur des bancs d’essai selon un protocole que nous avions défini, avaient déjà révélé des différences notables entre nos mesures et les autonomies annoncées par les constructeurs. Nous avons voulu approfondir encore notre démarche en réalisant des mesures sur routes avec la voiture chargée (voir protocole). Les véhicules se trouvent ainsi dans les mêmes conditions d’utilisation que celles de Monsieur Tout le Monde, avec les problèmes de trafic, des montées et des descentes, des feux rouges et, surtout, les autres conducteurs et les conditions météorologiques qui influent considérablement sur la conduite. Exit donc le confort du test réalisé bien au chaud dans un laboratoire selon des conditions qui ne reflètent pas la réalité de la route. Le résultat, visible dans notre vidéo, est sans appel et nos mesures d'autonomie diffèrent encore plus de celles annoncées par les constructeurs. Elles mettent en évidence ce que nous dénoncions déjà pour la consommation des voitures à moteur thermique : la norme d'homologation des véhicules n'est pas adaptée. Pire, elle risque même d’induire le consommateur en erreur. Cette norme n'a donc d'autres fonctions que de permettre la comparaison entre différents modèles mais certainement pas de donner une idée précise de l’autonomie ou de la consommation des moteurs.
Un nouveau protocole encore trop indulgent
Consciente de l’obsolescence du protocole NEDC (qui datait de 1973 !) pour l’homologation d’un véhicule, l’Union européenne impose depuis septembre 2017 une nouvelle procédure, le protocole WLTP (1), pour toute commercialisation de nouveaux moteurs (essence, diesel ou électrique). Mais, pour l’instant, aucun véhicule n’a réalisé ce récent cycle de mesures. Plus sévère, ce protocole impactera effectivement la consommation de carburant (donc des différentes émissions) des moteurs thermiques et réduira la valeur de l’autonomie annoncée pour les voitures électriques. Malheureusement, le consommateur ne pourra alors plus comparer un ancien véhicule avec un nouveau car les méthodes de mesure ne sont pas identiques. Et même si les nouvelles valeurs devraient être plus proches de la réalité, il subsistera encore quelques différences.
Imposer des mesures en conditions réelles
Tant qu’il s’agira de mesures en laboratoire, les valeurs d’autonomie et de consommation seront invariablement inférieures à la réalité. En effet, les constructeurs trouveront probablement toujours des solutions techniques pour rendre leurs moteurs très efficients pour ce test. Il est donc primordial d’intégrer, si l’on veut que les annonces des constructeurs soient plus réalistes, une mesure dite en conditions réelles (RDE, pour Real Driving Emissions). Il ne restera alors qu’un facteur déterminant pour influer sur la consommation ou l’autonomie : la façon de conduire. Entre deux automobilistes, elles peuvent en effet varier de plus de 30 % pour le même véhicule. Une conduite responsable, non agressive sur la pédale d’accélérateur et anticipative, permettra de gagner plusieurs dizaines de kilomètres. Et cela est vrai pour toutes les voitures, qu’elles soient à moteur thermique ou électrique.
Résultats
Nos tests en conditions prouvent bien que les autonomies mesurées sont nettement inférieures aux valeurs annoncées par les constructeurs et n’atteignent pas 60 % de celles-ci. Ainsi, nous obtenons 144 km d’autonomie avec la Nissan Leaf contre 250 km annoncés ; 232 km contre 400 km annoncés pour la Renault Zoé et 304 km contre 520 km annoncés pour l’Opel Ampera-e.
Protocole de notre test
Avec nos homologues suisses et belges, nous avons mesuré sur route en conditions réelles d’utilisation les autonomies de 3 voitures électriques proposées à prix abordable : la Nissan Leaf (à partir de 31 900 €), la Renault Zoé (à partir de 23 700 €) et l’Opel Ampera-e, attendue en France pour mi-2018, qui sera vendue dans les 33 600 €. Pour notre test, la climatisation était réglée sur 22 °C et la voiture était chargée avec un adulte (un conducteur de 75 kg) et l’équivalent de deux enfants (2 x 30 kg) avec, en plus, 20 kg de bagages dans le coffre. La température extérieure était d’environ 10 °C.
Les batteries ont été chargées au maximum puis les voitures sont parties sur la route. Elles ont roulé en convoi et nous leur avons fait parcourir 3 fois de suite un trajet comprenant un cycle urbain de 8,4 km, un cycle interurbain de 22 km puis 11 km d’autoroute, soit une distance totale de 124 km.
(1) Worldwide Harmonized Light Duty Test Procedures, que l’on pourrait traduire par « procédure de test mondiale harmonisée pour véhicules légers ».
Lars Ly
Rédacteur technique