Arnaud Murati
Vente de voitureLes concessionnaires continuent à avoir la main lourde sur les frais annexes
Lors de la commande d’un véhicule au sein d’une concession, diverses petites lignes apparaissent en sus sur la facture. Ces frais annexes, qui n’ont rien d’obligatoire, sont surtout une source de revenus pour certaines concessions qui vont jusqu’à facturer du carburant aux acheteurs de véhicules électriques !
La Renault Megane E-Tech est neuve et belle, l’envie de l’acheter se fait sentir. Le commercial effectue un devis de bonne grâce. Sa lecture douche quelque peu son enthousiasme : 18 € facturés pour cause de « carburant/charge », 95 € pour les « démarches immatriculation » et, surtout, 329 € pour un « pack Secury-T ». La demande d’explications vaut la peine d’être entendue : 18 € la charge, ne serait-ce pas un peu cher payé ? « Oui mais là, vous partez de la concession avec une charge complète », argumente le vendeur. Et les 95 € d’immatriculation, sachant que la carte grise d’une voiture électrique coûte 13,76 € en Île-de-France ? « On est obligés d’immatriculer la voiture, les plaques provisoires WW, c’est fini », continue le commercial, sûr de son coup. Avant de vite se raviser devant la mine de son interlocuteur : « Enfin, vous pouvez faire seul oui, mais bien souvent, les gens reviennent nous voir, parce que le site de l’ANTS [l’Agence nationale des titres sécurisés] ne marche pas », tente-t-il tout de même…
Autre garage, autre marque, autre véhicule. Une proposition est effectuée pour l’achat d’un utilitaire électrique, un Citroën Berlingo Van. Le devis comprend 819,76 € de frais annexes. Et, surprise ! Ce sont quelque 30 € de carburant qui sont facturés sur le véhicule, en plus des « pack accessoires de mise à la route » et « pack société ». Mais que l’on se rassure : le commercial plaide l’erreur pour le sans-plomb et se fend d’un geste en offrant le « pack société », dont le contenu précis ne sera pas dévoilé. Quant au « gravage Roole » facturé 209 €, il permet de faire tatouer le véhicule, ce qui faciliterait sa recherche en cas de disparition, selon le commercial.
Contrat déconnecté de la vente du véhicule
Pour la société Roole, pourtant, le gravage des vitres ne représente plus vraiment la valeur ajoutée du service lourdement proposé par les distributeurs automobiles : « Nous sommes une complémentaire, nous nous devons d’avoir un service de qualité auprès de nos clients. Il n’est absolument pas dans notre stratégie de nous imposer, le but est bien d’avoir des clients qui restent, pas qui se détachent du service », certifie Julien Henry, le directeur commerce et régions de Roole.
Un discours qui rejoint celui de Securycar (Autosphère), qui propose le pack Secury-T. « Il s’agit d’un produit d’assurance complémentaire : assistance, rachat de franchise, indemnité de vol en sus de celle de l’assureur de premier rang. C’est un peu la mutuelle de l’assurance auto », précise Thierry Gauchet, directeur de la Business Unit Financement & Services d’Autosphère. Et de marteler que jamais les commerciaux dans les concessions ne doivent faire croire que ce type de prestation est obligatoire. « Bien évidemment, c’est optionnel ! Il s’agit d’un contrat de prestations de services, il est déconnecté de la vente du véhicule », se défend le dirigeant d’Autosphère. Le client ne pourrait donc se faire duper en signant pour un pack Secury-T en même temps que le bon de commande de son auto, puisqu’il serait contraint de signer un formulaire ad hoc afin de souscrire au service, assure Autosphère.
Une multitude de frais et forfaits indûment présentés comme obligatoires
Il semblerait malgré tout que certaines mauvaises habitudes perdurent au-delà des frontières franciliennes. Le 9 avril dernier, la préfecture du Nord s’est fendue d’un communiqué : « Des enquêtes réalisées par les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), en poste à la DDPP du Nord, auprès de plusieurs vendeurs de véhicules neufs et d’occasion, ont permis de constater la facturation de frais annexes, dénommés "frais de dossier", "frais administratifs" ou encore "forfait de mise à la route", venant s’ajouter au prix initial du véhicule et indûment présentés comme obligatoires. Les concessionnaires concernés ont été enjoints de se mettre en conformité. »
La DGCCRF semble avoir fort à faire ces derniers temps avec ces frais annexes. Entre 2021 et 2022, les agents du ministère de l’Économie avaient déjà réalisé « plus de 2 000 contrôles » chez des vendeurs de voitures et soulevaient dans leur rapport : « Ces frais, proposés en échange de diverses prestations (gravage du numéro de série et assurance associée, fourniture du tapis de sol, d’ampoules de rechange ou d’un plein de carburant), étaient présentés à l’oral comme obligatoires alors qu’ils sont facultatifs et pouvaient aller jusqu’à 1 200 €. »