Olivier Puren
TravauxUn coup de pouce qui coûte cher
Un décret du 21 avril 2023 fixe les travaux à réaliser par les propriétaires bailleurs de « passoires thermiques » pour bénéficier d’un doublement du déficit foncier imputable sur leur revenu global. La mesure risque toutefois de ne pas séduire grand monde, car elle souffre de sérieux défauts de fabrication. Explications.
Pour inciter les bailleurs à rénover leurs logements trop énergivores, la loi de finances rectificative votée fin 2022 relève temporairement la limite d’imputation des déficits fonciers sur le revenu global, pour la porter de 10 700 € à 21 400 € par an. Le dispositif concerne tous les propriétaires qui font réaliser, entre 2023 et 2025, des travaux de rénovation énergétique permettant à un logement loué de passer d’une classe énergétique E, F ou G à une classe énergétique A, B, C ou D.
TRAVAUX DE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE
Les travaux à réaliser doivent permettre d’améliorer la performance énergétique globale des logements. Sont visés les travaux d’isolation thermique, les travaux d’installation, de régulation et de remplacement des systèmes de chauffage, de ventilation ou de production d’eau chaude, et les travaux d’installation d’équipements utilisant une source d’énergie renouvelable. Sont en revanche exclus les travaux de réhabilitation des systèmes d’assainissement non collectif et les travaux de pose d’une chaudière à très haute performance énergétique.
Les dépenses ouvrant droit au doublement du déficit foncier imputable sur le revenu global sont toutes celles engagées pour la réalisation des travaux d’économie d’énergie : prix des équipements et des matériaux, coût de la main-d’œuvre, frais de dépose des équipements existants, dépenses de maîtrise d’œuvre, d’études techniques et d’assurance « maître d’ouvrage ». Les bailleurs peuvent également tenir compte du coût des travaux indissociables nécessaires à la bonne exécution des travaux d’amélioration de la performance énergétique.
Bon à savoir : seuls les contribuables qui donnent en location des logements non meublés sont concernés par ce dispositif. Les loueurs en meublé, dont les loyers sont imposables en tant que bénéfices commerciaux et non en tant que revenus fonciers, ne peuvent pas en bénéficier.
DÉFICIT ORDINAIRE ET DÉFICIT TRAVAUX
Rénover un logement de fond en comble coûte très cher, en particulier depuis la flambée des prix des matériaux. Le doublement du déficit foncier imputable sur le revenu global semble donc bienvenu pour réduire la facture. Les bailleurs qui entreprennent des travaux vont bénéficier de baisses d’impôts qui compenseront en partie leurs dépenses.
Mais attention, à l’intérieur de la limite annuelle d’imputation de 21 400 €, il faut distinguer deux déficits fonciers distincts : d’une part, le déficit créé par les charges courantes attachées au bien loué (frais de gestion, assurance, travaux d’entretien, de réparation et d’amélioration, charges de copropriété, etc.) ; d’autre part, le déficit spécifique créé par les dépenses liées aux travaux de rénovation énergétique du bien. Le premier reste déductible du revenu global à hauteur de 10 700 € par an (comme d’habitude !), et le second est déductible à hauteur de 10 700 € supplémentaires (c’est la nouveauté !).
Résultat, les bailleurs dont les locations sont bénéficiaires (les loyers dépassent les charges courantes) ne pourront déduire que 10 700 € de leur revenu global s’ils font des travaux de rénovation énergétique générant un déficit foncier. Seuls les bailleurs dont les locations sont déficitaires avant les travaux (les charges courantes dépassent les loyers) pourront bénéficier de la limite d’imputation majorée à 21 400 €. En d’autres termes, le dispositif s’adresse aux propriétaires dont les logements rapportent déjà moins qu’ils ne leur coûtent chaque année, et qui sont prêts à engager des dépenses supplémentaires de rénovation qui creuseront encore plus leurs pertes. Avis aux amateurs !
Bon à savoir : le logement concerné par la rénovation énergétique doit faire l’objet de deux diagnostics de performance énergétique (DPE). Le premier, réalisé avant les travaux, doit établir que le bien est classé E, F ou G, et le second, réalisé après travaux, devra établir qu’il a atteint la classe A, B, C ou D.
DÉFICIT IMPUTABLE ET DÉFICIT REPORTABLE
L’imputation d’un déficit foncier sur le revenu global permet d’obtenir une baisse d’impôt proportionnelle à son taux marginal d’imposition. Par exemple, un bailleur imposé à 30 % qui impute 10 700 € de déficit foncier sur ses autres revenus imposables voit ses impôts baisser de 3 210 €. Et forcément, avec un déficit imputable doublé, ses impôts baisseront deux fois plus (– 6 420 €, soit 30 % de 21 400 €).
Le problème, c’est que la fraction des déficits fonciers qui dépasse la limite d’imputation sur le revenu global est reportable sur les revenus fonciers encaissés au cours des 10 années suivantes. Or, les déficits reportables permettent d’obtenir des baisses supplémentaires d’impôt sur le revenu, mais aussi des baisses de prélèvements sociaux. Et forcément, avec un déficit imputable doublé, le déficit reportable sur les revenus fonciers des années suivantes est plus bas, ce qui réduit les économies d’impôt et de prélèvements sociaux ultérieurs.
Au final, le dispositif est désavantageux pour les bailleurs, car les baisses d’impôts obtenues avec le déficit majoré à 21 400 € seront plus basses que celles obtenues avec un déficit ordinaire de 10 700 €. Par exemple, un bailleur imposé à 30 % ayant 30 000 € de déficit foncier économisera en tout 10 479 € d’impôt et de prélèvements sociaux avec le dispositif, contre 12 320 € sans. Conclusion : pour inciter les bailleurs à rénover leurs biens en mauvais état, les pouvoirs publics ont conçu une mesure qui leur fera payer plus d’impôts qu’en temps normal.