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Traitements antiparkinsoniensCes médicaments qui provoquent des comportements compulsifs

Boulimie, jeux compulsifs, excès sexuels… Ces comportements anormaux et incontrôlables peuvent être provoqués par des traitements de la maladie de Parkison, comme le ropinirole. Victime de ce traitement, Stéphane Grange porte plainte contre le laboratoire. Il dénonce la gravité et la fréquence, trop souvent minimisées, de ces effets indésirables.

La maladie de Parkinson est provoquée par une destruction progressive des neurones qui produisent la dopamine, un neurotransmetteur particulièrement important pour le contrôle des mouvements et la régulation de l’humeur. Pour pallier ce manque, des substances qui miment l’action de la dopamine (on les appelle agonistes dopaminergiques) sont prescrites aux malades. Il s’agit notamment du ropinirole (Requip, Adartrel et génériques), du pramipexole (Sifrol) et de la rotigotine (Neupro), la bromocriptine (Parlodel), etc. Certains sont aussi prescrits en cas de syndrome très sévère des jambes sans repos ou d’un trouble endocrinologique appelé hyperprolactinémie.

Si ces médicaments sont souvent efficaces sur les troubles moteurs de la maladie de Parkinson, ils peuvent provoquer aussi des comportements anormaux et incontrôlés graves. La dopamine est en effet impliquée dans le circuit de la récompense et constitue par là une porte d’entrée dans l’addiction. Pudiquement désignés comme des « troubles du contrôle des impulsions » dans les notices, ces effets indésirables recouvrent des réalités très douloureuses : prises alimentaires hors de contrôle, jeux d’argent inconsidérés (casinos, paris, cartes à gratter), achats compulsifs et excessifs, pulsions et comportements sexuels inappropriés. Endettement, détresse personnelle, familles disloquées : à la clé, ce sont des vies détruites, raconte Stéphane Grange qui a pris du Requip et se lance dans une procédure contre le laboratoire pharmaceutique pour défaut d’information. Son témoignage est édifiant.

Le témoignage de Stéphane Grange, 55 ans, atteint de la maladie de Parkinson

« La date de l’audience a enfin été fixée ! Elle aura lieu le 25 novembre 2025 au tribunal judiciaire de Nanterre. Nous avons commencé de travailler sur le dossier avec mes avocates, Sophie Maltet et Yamina Belkacem, en 2021. Ces dernières années ont été très denses, avec beaucoup de stress. Mais c’est le prix à payer pour tenter de faire reconnaître le préjudice que j’ai subi, et pour que les patients soient à l’avenir mieux informés que moi je ne l’ai été. L’annonce de la maladie de Parkinson, en 2018, a été plus qu’un choc, un vrai coup de massue. J’avais 48 ans. Pour moi, c’était une maladie de personnes âgées. J’étais alors en couple, avec 3 enfants. J’ai pris du Requip quelques mois après le diagnostic. Au début, j’en étais très satisfait, car il réduisait bien mes symptômes, notamment les tremblements. Et puis, tout a basculé. Moi qui n’étais pas joueur du tout, je me suis mis à passer des heures sur des sites de paris sportifs en ligne. Des troubles du comportement sexuel sont également apparus. Se sont ajoutés des achats compulsifs, pour des sommes très importantes. Tout cela s’est mis en place progressivement, insidieusement. Je n’ai pas fait le lien avec le traitement, et j’avais tellement honte que cela a pris des mois avant que j’arrive à en parler. Les addictions sont encore souvent vues comme un manque de volonté dans notre société, et non comme une maladie, cela n’aide pas.

Dès que la neurologue qui me suivait a été au courant, elle a décidé l’arrêt du Requip. Les troubles du comportement ont cessé. Le lien entre tout ce qui s’était passé et le médicament que je prenais a semblé alors évident. Sur la notice, ces troubles apparaissaient en dernier avec les mentions « quelques cas » et en « fréquence indéterminée ». Cela donne l’impression que c’est rare et qu’il faudrait vraiment ne pas avoir de chance pour que cela tombe sur vous. J’ai commencé à faire des recherches et j’ai rapi­dement trouvé des études qui indiquaient des pourcentages de patients concernés importants, jusqu’à 50 % ! Aux États-Unis, l’Agence du médicament (FDA) a contraint en 2019 les laboratoires à modifier leur notice et des class actions (des recours collectifs de patients) ont été menées en Australie et au Canada.

J’ai la chance d’avoir reçu le soutien d’une amie avocate, qui a été choquée par ce que je vivais. Nous avons contacté le labo GSK, qui a réfuté toute responsabilité. Nous avons donc engagé cette procédure. La pharma est une industrie où il n’y a pas de « service après-vente ». Il faut que ça change ! Combien sommes-nous à avoir vu nos vies exploser à cause de ce médicament ? L’Agence nationale de sécurité du médicament ne nous a pas vraiment aidés à en savoir plus là-dessus. Cela soulève beaucoup de questions sur la pharmacovigilance de ces antiparkinsoniens. Je ne veux pas être le porte-drapeau des victimes du Requip, mais je souhaite que mon cas puisse aider celles et ceux qui subissent cela. C’est ce qui m’a poussé à sortir de l’anonymat, avec l’accord de mes enfants évidemment. Ils me soutiennent à fond dans cette démarche judiciaire et c’est ça qui permet de tenir au quotidien. »

Combien de victimes du ropinirole ?

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) estime que 48 000 patients étaient traités par ropinirole en France en 2023. Elle précise que « le premier cas d’effet indésirable décrivant des troubles du contrôle des impulsions suite à la prise de ropinirole date de 2006. À ce jour, 91 cas sont rapportés […] ». La brochure de l’ANSM, mise à jour en 2016 (1), indique toujours que les troubles du comportement (addiction au jeu, achats compulsifs, hypersexualité) « ne touchent qu’une minorité de personnes ». Or, des études rapportent une fréquence élevée de survenue de ces troubles. L’ANSM dit prévoir de prendre en compte la littérature scientifique « afin qu’une revue globale des cas soit réalisée (Europe et monde). Une modification de la brochure patient sera faite, le cas échéant, pour refléter toute nouvelle donnée […] ». Le laboratoire GSK, lui, a indiqué ne pas commenter les procédures juridiques en cours.

Stéphany Gardier

Stéphany Gardier

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