Elsa Casalegno
Traçabilité des alimentsLa purée Mousline se dévoile, mais pas entièrement
Nestlé et Carrefour se sont associés pour un exercice de transparence sur la purée Mousline produite par le groupe agroalimentaire. En flashant un code QR, on peut obtenir des informations sur la fabrication de la purée sur son smartphone. Mais cette initiative n’est-elle pas surtout une opération marketing ? Il manque en effet quelques informations cruciales…
Pour répondre à la demande de transparence des consommateurs, Mousline ouvre un accès, au moins virtuel, aux étapes de fabrication de sa purée (du moins sa version « originale »). Nestlé (propriétaire de la marque) et Carrefour mettent à disposition des informations telles que l’origine des pommes de terre, les dates de fabrication du lot, du contrôle qualité et de sa livraison. Pour cela, une petite manipulation est nécessaire : à l’aide d’un smartphone, il faut flasher un code QR imprimé sur la boîte de purée et entrer le numéro du lot, lui aussi indiqué sur le paquet. Apparaît alors sur l’écran un déroulé résumant la fabrication : outre les dates, quelques informations succinctes sur les variétés de pommes de terre utilisées, ainsi que deux courtes vidéos. La première présente l’un des 25 agriculteurs fournisseurs de l’usine Mousline à Rosières-en-Santerre, en Picardie. La seconde montre la fabrication de la purée dans l’usine, obtenue après déshydratation et émiettement en flocons.
Un additif oublié
Nestlé et Carrefour mettent en avant l’utilisation d’une blockchain (base de données sécurisée permettant un partage d’informations non falsifiables), une technologie développée initialement pour les cryptomonnaies. Carrefour n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il a déjà mis ce type de technologie en place pour plusieurs produits vendus sous sa marque propre, comme le poulet fermier d’Auvergne filière qualité Carrefour. Depuis, il y a eu les tomates, les œufs, les oranges, le lait frais et le fromage de Rocamadour.
Avec Mousline, c’est désormais aux produits industriels que Carrefour s’attaque. Il manque néanmoins quelques informations importantes. La recette semble assez simple. Dans la vidéo, l’un des responsables de l’usine explique que ce produit est constitué « à 99 % de pomme de terre ». Mais c’est sur le 1 % restant qu’on aimerait en savoir davantage. La personne ajoute : « On utilise également des arômes et des épices qui font le bon goût de la purée Mousline. » Mais quels arômes, quels épices ? Et d’où viennent-ils ? Nous n’aurons pas la réponse. Sur notre boîte, la liste d’ingrédients indique aussi la présence de « mono- et diglycérides d’acides gras (issu du colza) », un additif utilisé comme émulsifiant, gélifiant et antioxydant, oublié dans la vidéo. Expliquer pourquoi il a été ajouté aurait utilement complété la démonstration de transparence. D’autant qu’il est classé orange (peu recommandable) dans notre évaluation des additifs alimentaires.
Un aliment ultra-transformé
Qu’en retire donc le consommateur ? Une information sympathique si l’on aime observer des machines agricoles ou de process industriel. Mais elle reste incomplète sur un aspect majeur : la transparence sur l’ensemble des ingrédients, en particulier les additifs. Sur OpenFoodFacts, cette purée est classée comme aliment ultra-transformé (niveau 4 de la classification Nova). Or ce sont bien les conséquences d’une industrialisation poussée de notre alimentation sur notre santé qui inquiètent aujourd’hui les consommateurs et les autorités de santé publique.