Fabienne Maleysson
Test de crèmes solairesNos réponses aux polémiques
Notre test de crèmes solaires pour enfants, récemment mis à jour et comportant des produits bio, a suscité un certain nombre de réactions. Voici nos réponses.
Mise à jour du 9 mars 2021
Depuis la parution de cet article, l’octocrylène a été mis en cause du fait de la découverte d’un phénomène inconnu jusqu’alors : il se transforme au fil du temps en benzophénone, un composé toxique. Au vu de cette donnée nouvelle, nous avons décidé de classer l’octocrylène parmi les ingrédients indésirables. Les produits qui en contiennent seront désormais pénalisés dans nos tests comparatifs de produits cosmétiques et de notre appli QuelProduit.
Les contestations portent sur deux points :
– Nos méthodes de test. Les quatre produits bio que nous avons testés ne protègent pas contre les UVA à hauteur de l’indice annoncé. Ils sont donc notés « mauvais » sur ce critère. L’association professionnelle de cosmétique écologique et biologique Cosmébio a réagi en contestant un protocole de test qui serait « inadapté à certains ingrédients d’origine biologique et naturelle ». Ce n’est pas la première fois que des professionnels de la cosmétique, bio ou conventionnelle, nous reprochent nos méthodes lorsqu’ils sont mécontents de nos résultats. En l’occurrence, les fabricants bio préconisent l’utilisation de tests in vivo alors que nous testons in vitro. Mais notre méthode, encadrée par une norme ISO, est celle recommandée par la Commission européenne, elle est parfaitement fiable et utilisée par la plupart des professionnels. Certains brandissent le fait qu’elle soit en cours de révision pour en conclure avec mauvaise foi que c’est une preuve de ses limites. En réalité, c’est une procédure commune à toutes les normes ISO, qui sont régulièrement révisées.
Outre ses limites techniques, la méthode in vivo consiste à exposer volontairement la peau des testeurs à des rayonnements UV dont on connaît les effets cancérogènes à long terme, ce qui pose un problème éthique. Nous avons cependant accepté d’y avoir recours exceptionnellement pour tester à nouveau deux des produits épinglés dans notre essai comparatif, Bioregena et Acorelle. Les résultats concordent : la protection contre les UVA n’est pas à la hauteur, même avec la méthode in vivo. Les mauvaises performances des crèmes mal notées dans notre test sont donc inhérentes à la composition de ces crèmes et non à la méthode.
– Un ingrédient à l’innocuité contestée dans notre meilleur choix. Nous avons décerné la meilleure note à une crème qui contient de l’octocrylène. Plusieurs lecteurs nous ont fait remarquer que l’application Yuka jugeait cet ingrédient toxique, plus précisément perturbateur endocrinien et allergène. De notre côté, nous estimons que la littérature scientifique ne permet pas, dans l’état actuel des connaissances, de tirer des conclusions aussi affirmées.
Concernant la perturbation endocrinienne, Yuka se réfère à une seule étude in vitro montrant un tel effet. Mais il existe aussi plusieurs études sur des rats, des souris et des lapins qui ont cherché à mettre en lumière des perturbations endocriniennes et n’ont rien constaté de tel. Nous avons besoin d’indices concordants pour ajouter une substance à notre liste d’ingrédients indésirables, et ce n’est pas le cas ici.
Concernant le caractère allergisant de l’octocrylène, Yuka cite une publication de 2014 qui fait le point sur les réactions allergiques à cette substance. Les auteurs mettent en lumière le fait que dans 80 % des cas, les sujets avaient auparavant utilisé de la pommade à base de kétoprofène, un anti-inflammatoire, et c’est à lui, et non à l’octocrylène, qu’ils attribuent la sensibilisation : sans exposition préalable au kétoprofène, pas de réaction allergique à l’octocrylène. Ils en concluent que plutôt que de restreindre l’autorisation d’utilisation de l’octocrylène, qui est un filtre solaire efficace et aussi un stabilisateur de formule, il vaudrait mieux se passer du kétoprofène sous forme de pommade. Une suspension de l’autorisation de mise sur le marché des pommades en contenant a d’ailleurs été décidée par les autorités sanitaires françaises en 2010, du fait de photoallergies graves, mais un laboratoire a obtenu en justice l’annulation de cette décision.
Des réactions à l’octocrylène hors toute exposition préalable au kétoprofène peuvent aussi exister, mais « le nombre de cas signalés est faible compte tenu de l’usage largement répandu de cet ingrédient », relèvent les auteurs. De fait, 59 % des crèmes solaires présentes dans la base de notre application QuelCosmetic en contiennent, et aucune épidémie d’allergie à l’octocrylène n’a été signalée.
Même les crèmes bio ont un impact sur l’environnement
Enfin, certains nous reprochent de promouvoir des produits contenant des filtres chimiques, à leurs yeux forcément plus nocifs, à la fois pour la santé et l’environnement, que les filtres minéraux (oxyde de zinc et dioxyde de titane) utilisés dans les produits biologiques. Mais les choses ne sont pas si simples. Contrairement à une fake news répandue, ces filtres peuvent se présenter sous forme de nanoparticules dans les produits solaires bio, c’est autorisé par le cahier des charges Cosmos (produits labellisés Cosmébio ou Écocert) à hauteur de 50 %. Or les effets sur la santé des nanoparticules sont encore méconnus. Par ailleurs, des recherches montrent que l’impact sur les coraux des filtres minéraux est délétère, tout comme celui des filtres chimiques. Ce qui est somme toute logique, les coraux n’étant a priori pas conçus pour être mis en contact avec quantité de dioxyde de titane et d’oxyde de zinc. L’impact environnemental sur le milieu marin des crèmes solaires bio n’est donc pas nul.
Gaëlle Landry
Rédactrice technique