Arnaud de Blauwe
TéléphonieDémarchage abusif non poursuivi
Comme d’autres secteurs, la téléphonie est un terrain de chasse privilégié des démarcheurs qui, pour certains, ne sont pas très respectueux des règles. Et ils ne sont pas toujours poursuivis par la justice que des consommateurs floués ont saisie. Illustration avec une décision récemment rendue à Marseille.
La téléphonie est depuis longtemps un secteur prisé par des démarcheurs qui n’hésitent pas à franchir ou à mordre la ligne blanche pour abonner de nouveaux clients. Depuis quelques semaines, le comportement de sociétés comme A Télécom, E Télécom ou encore 7 Télécom donne lieu à des plaintes de particuliers qui se sont retrouvés liés à ces opérateurs sans avoir réellement donné leur consentement.
Mais lorsque la justice est saisie de faits de cette nature, pas sûr qu’ils donnent lieu à des poursuites. Dossiers non prioritaires, faits pas assez caractérisés… : il faut aussi compter avec la lenteur des procédures. Qui in fine joue en faveur des commerciaux véreux.
C’est ce qui vient notamment de se passer à Marseille (13). L’un des juges d’instruction locaux, Pierre Philipon, a rendu une ordonnance de non-lieu pour des faits remontant… à 2003 et 2004. À l’époque, de nombreux consommateurs s’étaient plaints des pratiques de l’opérateur Italia Télécom, plus connu sous l’enseigne commerciale Alice, absorbée depuis par Free (en 2008). L’opérateur avait alors confié à divers sous-traitants le soin de démarcher des particuliers à domicile. Absence de bordereau de rétractation joint au contrat, imitation de signature, flou sur les prix des prestations proposées : quelques-unes des irrégularités relevées dans les 700 plaintes regroupées par le parquet de Marseille.
Dix ans d’instruction pour un non-lieu
L’enquête des services de la Répression des fraudes et de la police avait donné lieu à l’ouverture d’une instruction visant Italia Télécom-Alice, des sociétés de démarchage et plusieurs de leurs représentants pour « tromperie, démarchage illicite et escroquerie ». L’instruction aura duré pas loin de 10 ans sans que personne ne soit finalement renvoyé devant le tribunal correctionnel afin d’y être jugé des faits initialement reprochés.
Pour justifier le non-lieu général rendu dans cette affaire, le juge note qu’Italia Télécom-Alice n’a aujourd’hui plus d’existence légale et que les sociétés de démarchage ont, pour la plupart, disparu par l’effet « de liquidations judiciaires ou de dissolutions ». De toute façon, l’ordonnance relève que s’il est « parfaitement avéré que de faux contrats avaient été établis par des dizaines de commerciaux différents (…) il n’était pas possible d’attribuer tel faux contrat à tel démarcheur ». Quant au préjudice, il était souvent limité ou nul pour les victimes de tels agissements, nombre d’entre elles ayant obtenu de l’opérateur une annulation des contrats frauduleux. Affaire classée, par conséquent !