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TeckLe placement miracle ?

Les forêts de teck en Amérique latine sont un des nouveaux placements financiers à la mode en ce moment. Les promoteurs promettent d’associer profits et investissement éthique.  Décryptage.

De nombreuses publicités sur le Web proposent en ce moment d’acheter des parcelles de teck situées au Panama et au Costa Rica. Esthétique, résistant à l’humidité et aux parasites, solide, le teck est une essence recherchée aux usages multiples. Les forêts naturelles de sa zone d’origine (Inde et sud-est asiatique, principalement) étant déjà intensivement exploitées, l’idée de développer des plantations semble intéressante. Les Néerlandais l’ont eu dès les années 1980, mais avec des résultats très mitigés. « Bon nombre des hypothèses de prix, de croissance et de production utilisées pour projeter les recettes étaient extrêmement optimistes par rapport aux rendements effectifs actuels connus », relève un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) (1). La société Flor y Fauna promettait de 40 à 48 m3 de bois commercialisables par hectare et par an. En réalité, les rendements ont été de 9 à 20 m3. Le prix du m3 devait fluctuer dans une fourchette comprise entre 700 et 2 100 $. Il n’a jamais dépassé les 400 à 500 $.

Les entreprises qui démarchent actuellement le marché français semblent avoir partiellement tiré les leçons du passé. La Financière du teck-Artal, par exemple, annonce entre 12 et 20 m3 par hectare et par an, et base ses calculs de rentabilité sur un prix de vente de 320 à 490 $ pour des arbres de 20 ans (plus les arbres sont vieux, meilleur est le bois, le teck naturel issu de spécimens centenaires dépassant les 1 000 $). Des chiffres conformes aux retours d’expérience mentionnés par la FAO. Sur la base de ces estimations, la Financière du teck envisage, selon les scénarios de hausse des prix du teck, des gains de 99 000 $ à 367 000 $ en deux décennies, avec un investissement de départ de 15 000 $. Le jackpot. D’autant plus que l’heureux investisseur reste propriétaire de ses terres.

Tout ira bien… si tout va bien

Avant de vider votre compte épargne pour investir dans un produit hyper rentable et connoté développement durable (le teck de culture éviterait le saccage des forêts birmanes ou indiennes), il faut quand même se livrer à ce que les spécialistes appellent un « stress-test ». Un exercice qui consiste simplement à imaginer que tout se passe mal. Le résultat est dévastateur pour nos placements dans le teck. Premier constat, tout se déroule en dollar. Le risque de change est supporté par l’investisseur. De combien peut fluctuer le cours euro/dollar sur 20 ans ? Au moins 30 %, peut-être davantage. En cas de litige, quelles seraient les juridictions compétentes ? Celles du Panama et du Costa Rica. Il faudra se défendre en espagnol, à plusieurs milliers de kilomètres de distance. Les risques d’incendies et de maladies des arbres sont-ils exclus ou couverts par une quelconque assurance ? Non. Peut-on exclure que les cours du teck s’effondrent ? Non plus. Le Panama et le Costa Rica sont-ils des pays politiquement stables ? À 20 ans, impossible de le savoir. En 2009, l’hebdomadaire The Economist, ayant interrogé moult experts, accordaient à la Tunisie, à la Libye et à l’Égypte la même note de stabilité qu’à la France.

La seule conclusion que l’on peut tirer est une tautologie : tout ira bien si tout va bien. Les risques inhérents à ce placement atypique sont de toute évidence considérables. Les plaquettes de promotion que nous avons consultées ne sont pas mensongères, mais dire qu’elles pèchent par excès d’optimisme est un euphémisme.

(1) Food and Agriculture Organization (http://www.fao.org/docrep/x4565f/x4565f03.htm)

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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