
Boris Cassel
Payée par la plupart des Français, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) atteint des records, en se portant en moyenne à 144 € par an et par habitant. La résultante d’un système baroque où la facture présentée aux usagers n’a strictement aucun lien avec la taille de leurs poubelles. Les niveaux de TEOM réclamés aux contribuables varient fortement d’une commune à l’autre, comme le démontre notre carte gratuite des déchets que nous venons de mettre à jour.
La taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) flambe. Finançant la collecte et le traitement des déchets dans la plupart des communes, ce prélèvement fiscal acquitté en même temps que la taxe foncière (les propriétaires la répercutent ensuite sur leurs locataires) a atteint les 144 € par habitant en 2023, soit une hausse de 7 % en 1 an et de 20 % en 5 ans ! La cause principale de cette hausse ? Son mode de calcul, proche de celui de la taxe foncière et donc sans lien direct avec ce que jettent réellement les foyers qui en sont redevables.
Pour bien comprendre, un peu de technique : pour calculer le montant de TEOM applicable, l’administration applique le taux de taxation décidé par les pouvoirs publics locaux à la moitié de la « valeur locative cadastrale du logement ». Établie par le fisc, cette dernière est censée refléter ce qu’un propriétaire tirerait de la mise en location de son bien. Ces valeurs sont revalorisées, chaque année, par les députés en lois de finances, notamment pour tenir compte de l’inflation : la hausse nationale des bases a atteint les 3,4 % en 2022 et 7,1 % en 2023. Résultat, depuis quelques années, les fortes hausses « automatiques » de TEOM se succèdent. À cela s’ajoutent des taux revus à la hausse dans certaines collectivités. Bref, nos factures de traitement des déchets gonflent à vue d’œil, sans aucun rapport direct avec la taille de nos poubelles.
Basé sur la valeur du foncier bâti, ce mode de financement des services publics de traitement des déchets se traduit, in fine, par des inégalités. C’est, en effet, ce qui ressort d’une étude de l’Observatoire de la consommation de l’UFC-Que Choisir, qui a rapporté le niveau de TEOM réclamé dans chaque commune au nombre d’habitants (au sens de la dotation globale de fonctionnement, c’est-à-dire en tenant compte des mouvements saisonniers de population). Les écarts sautent aux yeux, lorsque l’on regarde la situation de communes de taille comparable. Sur le podium des villes de plus de 80 000 habitants les plus taxeuses, on trouve à la première place Aix-en-Provence et ses 243 € de TEOM par habitant, Paris (240 €) et Marseille (233 €). À l’extrême opposé, certaines grandes villes contiennent leur TEOM par habitant à moins de 100 €, comme Orléans (89,20 €), Villeurbanne (77,24 €) et, la championne toutes catégories, la ville de Brest (67,95 €).
Dans les zones semi-urbaines (communes de 20 000 à 80 000 habitants), le podium est constitué de Vitrolles (Bouches-du-Rhône) avec une facture annuelle de 255 €, suivie de Manosque (Alpes-de-Haute-Provence) avec 216 € et Vernon (Eure) dont le montant calculé atteint les 212 €. À l’inverse, certaines villes de taille moyenne réussissent à contenir la douloureuse sous la centaine d’euros. Il s’agit, par exemple, de Beauvais dans l’Oise (86 €), de Villefranche-sur-Saône dans le Rhône (97 €) ou encore de Goussainville dans le Val-d’Oise (99 €).
Pourrait-on faire autrement ? Oui. Pour financer le ramassage et le traitement des déchets ménagers, les élus ont à leur disposition plusieurs outils techniques et fiscaux, comme la mise en place de redevances, qui ont pour effet de fonctionner sur le modèle du « pollueur-payeur ». Cette préférence pour la TEOM dans la plupart des communes et groupements intercommunaux n’est pas due au hasard. En effet, la TEOM est prélevée, concomitamment, à la taxe foncière, ce qui lui permet d’être très dynamique sans être forcément bien identifiée par les contribuables. Et, en choisissant l’option d’une taxe plutôt que celle d’une redevance, les collectivités se déchargent de la collecte des sommes sur l’administration fiscale, elles n’ont pas à établir elles-mêmes les factures et, surtout, à gérer les impayés… Elles choisissent donc la méthode la plus simple et la plus efficace du point de vue des finances publiques.
Mais trancher en faveur de la TEOM, c’est aussi s’offrir la possibilité de camoufler des coûts de fonctionnement à la dérive. Selon nos calculs, la collecte et le traitement des déchets reviennent de plus en plus cher, avec une augmentation de 22 % du coût de chaque tonne de déchets traitée entre 2020 et 2024. Une tendance qui s’explique, pour partie, par la flambée des dépenses énergétiques et la montée en puissance de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les déchets. Cela ne justifie pas, en revanche, les écarts de coûts de gestion qui peuvent être constatés entre les collectivités. Ainsi, les communes urbaines étudiées les moins dispendieuses réussissent à contenir leur coût de traitement de la tonne de déchets à moins de 200 €, comme Metz (180 €) ou Angers (193 €). C’est deux, voire trois fois moins que les communes mal classées telles que Tours (351 €), Le Havre (355 €), Dijon (377 €) et, surtout, Paris (592 €) !
Que Choisir vient de mettre à jour sa carte interactive des déchets. Vous pouvez ainsi jauger de l’efficacité de ce service public dans votre commune.
Boris Cassel
Juliette Vacant
Observatoire de la consommation
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