Anne-Sophie Stamane
StallergenesConseils aux patients allergiques
En raison d’un bug informatique majeur au sein du laboratoire Stallergenes, des anomalies de délivrance des traitements de l’allergie ont été relevées par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Les activités de Stallergenes ont été suspendues.
Depuis début décembre, l’arrêt des activités de l’entreprise Stallergenes par décision de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) chamboule le quotidien déjà pas simple des personnes atteintes d’allergies respiratoires aux pollens, aux acariens ou aux poils d’animaux. Stallergenes produit en effet la grande majorité des préparations sur mesure prescrites dans le cadre d’une désensibilisation. 70 000 personnes ont reçu une lettre du fabricant leur demandant de… stopper leur traitement ! Les médicaments concernés sont des gouttes à mettre sous la langue, vendus sous les marques Staloral, Alustal ou Phostal. Seuls les flacons délivrés après le 13 août dernier ne doivent pas être utilisés.
Un bug informatique serait à l’origine de cette incroyable zizanie. D’après les informations données par l’ANSM sur son site Internet, seuls quelques dizaines ou centaines de flacons comporteraient des anomalies. Trois situations sont évoquées : soit le flacon livré au patient contient un allergène différent de celui prescrit en raison d’une erreur d’adresse sur le colis ; soit il contient le bon allergène, mais à une dose trop élevée ; soit l’étiquette est incomplète ou rédigée dans une langue étrangère.
Si ce sont effectivement les seules irrégularités relevées, alors le risque d’avoir pris un produit nocif est assez limité. Et s’il déclare une réaction allergique, elle est, normalement, ressentie rapidement. Le principal danger réside donc dans l’arrêt du traitement tel qu’il est préconisé par le laboratoire Stallergenes : l’allergie peut resurgir à plus ou moins long terme. Il faut donc prévoir un traitement symptomatique par antihistaminiques, crèmes pour la peau et inhalateurs en cas d’asthme. La stratégie est à ajuster, sans urgence, avec l’allergologue ou avec votre médecin traitant.
Les enfants plus concernés
Reste que les patients concernés par le rappel sont confrontés à un manque cruel d’informations. La situation est d’autant plus difficile que souvent, la personne en cours de désensibilisation est un enfant. La communication minimale de Stallergenes empêche de déterminer quels sont précisément les flacons incriminés et quelles anomalies ils comportent. Impossible, donc, pour les patients et leur entourage, de connaître précisément la teneur du traitement ingéré. À partir de là, les spéculations vont bon train comme nous avons pu le remarquer sur notre forum consacré à Stallergenes. Certains affirment ainsi avoir constaté des symptômes inhabituels après avoir entamé un nouveau flacon, et se demandent s’ils n’ont pas été tout bonnement empoisonnés. Au moindre doute, il ne faut pas hésiter à signaler l’effet indésirable : d’abord selon la procédure habituelle, en remplissant le formulaire disponible sur le site Internet de l’Agence nationale de sécurité du médicament (1). La déclaration sera analysée par un pharmacologue du centre régional de pharmacologie. Il faut aussi contacter directement l’ANSM au 0800 130 000 et Stallergenes au 0800 940 390. L’Association française de prévention des allergies (Afpral) invite enfin les allergiques désensibilisés à s’exprimer sur les forums de son site Internet. Prendre des photos quand la peau ou les yeux sont touchés et, dans tous les cas, consulter un médecin ou l’allergologue pour faire analyser les symptômes sera un plus indéniable. Si vous envisagez un recours en justice contre Stallergenes, le renvoi des flacons au fabricant – c’est ce qui est demandé aux patients – n’est peut-être pas la meilleure stratégie car vous serez dépossédé d’un élément de preuve de l’exposition à un composé dangereux.
Quelle suite donner à son traitement ?
À cette incertitude concernant la composition réelle des flacons s’ajoutent les interrogations sur la conduite à tenir pour la suite du traitement. Et cela concerne tous les patients en cours de désensibilisation, car la reprise de la fabrication par Stallergenes n’est pas pour tout de suite. Sachant que le succès d’une désensibilisation tient à la régularité des prises sur deux à cinq ans, l’interruption brutale ne ruine-t-elle pas l’ensemble de la thérapie, et tous les efforts des patients pour la mener à bien ? Tout dépend en réalité de son avancée. Les allergologues ne semblent pas inquiets. Un changement de fournisseur, sous surveillance médicale, est également envisageable, puisqu’un autre laboratoire, ALK, fabrique ce type de produit. Mais il a d’ores et déjà annoncé qu’il n’était pas en mesure d’absorber une forte hausse de la demande. Le mieux est encore de prendre rendez-vous avec le spécialiste qui a initié et qui suit la désensibilisation. Sachez cependant que la panique a fait exploser le standard des cabinets d’allergologie : obtenir un rendez-vous dans des délais acceptables relève de l’exploit.
Qu’est-ce qu’une désensibilisation ?
La désensibilisation est une approche thérapeutique qui s’apparente à la vaccination. Il s’agit d’amener un organisme allergique à accepter petit à petit l’élément qui provoque la réaction disproportionnée qui peut se traduire par de l’eczéma, un rhume des foins, une conjonctivite ou de l’asthme. Le patient prend donc des « doses » croissantes d’allergènes, afin d’aboutir à une tolérance. L’efficacité de la désensibilisation n’est pas garantie, mais les chances de succès sont meilleures si l’accoutumance à un seul allergène, celui qui est le plus incommodant, est recherchée. La thérapie étant strictement individuelle, les allergènes sont préparés sur mesure par le fabricant sur prescription de l’allergologue, et envoyés directement au patient par La Poste. Il n’y a pas de délivrance en pharmacie.