Cyril Brosset
Nichon.co surfe sur la tendance
Comme d’autres avant lui, le site Nichon.co n’hésite pas à brandir de faux arguments pour vendre au prix fort des soutiens-gorges en provenance directe de Chine. Pour les clientes abusées, les recours sont limités.
Un nouveau gros bonnet a débarqué sur le marché porteur du soutien-gorge anticancer. Comme Seinsafe et d’autres avant lui, le site Nichon.co a la particularité de ne vendre qu’une unique référence, en l’occurrence un soutien-gorge « haut de gamme », conçu à partir de « dentelle de qualité soigneusement choisi [sic] » et « confectionnée par [des] artisans », un soutien-gorge qui assurerait « un vrai maintien de vos seins » et procurerait un « effet Push-up (mais pas trop) ». Surtout, comme celui de Seinsafe, le soutien-gorge de Nichon.co est « sans armatures » ce qui, selon les concepteurs du site, pourrait permettre de limiter les risques d’apparition du cancer du sein. D’ailleurs, pour en faire la promotion, Nichon.co n’a pas hésité à diffuser sur les réseaux sociaux une vidéo dénonçant les soi-disant « mensonges » de l’industrie du sous-vêtement qui persisterait à fabriquer des soutiens-gorges « pas sains pour les poitrines ». « Beaucoup d’expert [sic] et d’études s’accordent à dire que le port du soutien-gorge pourrait augmenter le risque de cancer du sein », affirme la vidéo, en prenant toutefois la précaution de rappeler que cette affirmation est « controversée ». En réalité, aucune étude sérieuse n’a jamais montré de surrisque lié à la présence d’armatures. La vidéo se poursuit en racontant comment deux jeunes femmes françaises auraient eu l’idée, en 2019, de créer le soutien-gorge Nichon « malgré les menaces de la part du lobby du sous-vêtement ».
Des allégations qui servent juste à vendre
Si l’histoire est belle, la réalité est bien différente. Derrière ce site se cache en fait un jeune habitant de Saint-Étienne (42) qui a trouvé dans la vente de soutien-gorge sur Internet un bon moyen de gagner de l’argent sans trop s’embêter. Il s’appuie pour cela sur du dropshipping, un système de vente en ligne très en vogue qui lui permet de n’avoir ni stocks, ni fournisseurs, ni livraisons à gérer. Chaque commande qu’il engrange est directement traitée par un autre site basé en Chine. Alors pour s’assurer de généreux revenus, il n’hésite pas à user d’allégations trompeuses et de grosses ficelles marketing.
Sur le site Nichon.co, le prix du soutien-gorge a beau sembler intéressant (« 29,90 € au lieu de 59,90 € » en « Offre spéciale déconfinement »), il ne change jamais. Le compte à rebours censé annoncer la fin de la promotion est juste là pour inciter les clientes à commander vite. Quant aux affirmations selon lesquelles « 90 % des clientes ne portent plus de soutien-gorge à armatures après avoir essayé Nichon » ou que ce soutien-gorge a été « élu meilleur soutien-gorge sans armature en 2019 », elles sont difficiles à croire. Il en est de même pour les dizaines de témoignages d’acheteuses plus satisfaites les unes que les autres, qui détonnent avec les nombreux messages négatifs qui s’accumulent sur d’autres sites. Le jeune patron de la société, que nous avons réussi à joindre, reconnaît juste avoir rencontré quelques soucis de distribution liés notamment aux restrictions sanitaires et à un afflux soudain de commandes. Il nous a par ailleurs transmis une attestation semblant prouver qu’il a bel et bien fait un don à la Ligue contre le cancer du sein, comme promis sur la page d’accueil de son site. Nous n’avons pas eu de réponse à nos autres questions.
En règle générale, mieux vaut se méfier des arguments trop beaux pour être vrais, surtout quand le site ne vend qu’une unique référence. Il y a de fortes chances pour qu’il s’agisse de dropshipping. Dans ce cas, le client finit généralement par recevoir son produit, mais souvent très longtemps après la commande et avec une qualité qui est loin de celle qu’on lui avait promise. En cas de souci, il est en théorie possible de se tourner vers le marchand français. Malheureusement, en pratique, la plupart ne s’embarrassent pas de leurs obligations légales, notamment en matière de rétractation, de mise en œuvre de la garantie ou de service après-vente. Quant à se retourner directement vers le site chinois qui a procédé à la commande, c’est possible, mais là encore sans aucune garantie de succès.