Pépy veut réduire les coûts
Pour le président de la SNCF, la baisse des tarifs des billets de train passe forcément par une baisse des coûts et une remise à plat de l’organisation du travail qui pourrait relancer le débat explosif sur la progression singulièrement rapide des rémunérations à la SNCF.
Pour baisser les prix des billets de train, il faut « réduire les coûts », ce qui suppose de « mettre à plat, avec les salariés et les syndicats, l’organisation du travail » à la SNCF, où « d’immenses gains de productivité sont possibles ». Cette fois, ce n’est pas la Cour des comptes qui le dit, mais le président de la compagnie lui-même, Guillaume Pépy, dans un entretien accordé au quotidien Les Échos du 23 février. Le langage de vérité ayant ses limites, Guillaume Pépy n’est pas allé jusqu’à la question qui fâche vraiment : pour réduire les coûts, ne faudrait-il pas jouer aussi sur les rémunérations ? Pour le dire brutalement, les salariés de la SNCF ne seraient-ils pas trop payés ?
Peu suspecte de poujadisme anti-secteur public, une commission des Assises du ferroviaire a clairement répondu par l’affirmative en décembre 2011. À la SNCF, « les augmentations salariales se sont établies, en moyenne sur les dix dernières années, à un niveau de 2,5 % par an en plus de l’inflation » (ce qui fait 4,25 % par an), ce que la compagnie « ne peut durablement supporter », sauf à « se déconnecter de son environnement économique ». La commission invitait la SNCF à « une plus grande modération salariale ». Elle relevait qu’une simple « réduction de moitié de l’écart de progression des salaires avec les entreprises du secteur privé » représenterait « un allègement des coûts d’un milliard d’euros par an au bout de 10 ans ». En imaginant que ces économies soient répercutées sur les tarifs des TGV, qui transportent environ 100 millions de voyageurs par an, cela représenterait dix euros par billet. Le tout non pas en diminuant les salaires, mais en les augmentant moins vite.
Une « progression incompressible »
La question est évidemment explosive. Comme le relevaient les Assises du ferroviaire, la dynamique des augmentations salariales est en effet largement inscrite dans le statut, auquel les cheminots sont très attachés. Ce statut organise une « progression incompressible du glissement-vieillesse-technicité », par un jeu très détaillé de quotas d’avancement et d’évolutions d’échelon. Dans le cadre de l’ouverture à la concurrence du transport de voyageur (en 2019, en principe, pour les TER), les opérateurs alternatifs comme Arriva, Transdev ou Deutsche Bahn refusent d’en entendre parler. La SNCF elle-même ne l’accorde pas aux salariés de ses filiales. Entre 2009 et 2014, l’établissement public industriel et commercial qui est au cœur de la compagnie a perdu au moins 7 000 salariés sous statut, recrutant en parallèle dans ses filiales, mais au régime commun. Sur 250 000 salariés du groupe SNCF, 100 000 sont aujourd’hui de droit privé, dont les quelque 140 cadres dirigeants de la SNCF. Cela ne les empêche d’ailleurs pas de gagner fort correctement leur vie. Selon une étude publiée par l’Institut européen du salariat, les têtes pensantes de notre compagnie nationale étaient rémunérées en moyenne 13 000 € brut par mois en 2010. Confortable. Sauf, bien sûr, quand il s’agit d’aller expliquer à un agent à 2 800 € brut qu’il est trop payé…