Camille Gruhier
SAV low cost
Avec ses smartphones sous Android vendus à prix serré, Wiko s’est rapidement fait un nom en France. Mais mieux vaut ne pas rencontrer de problème avec l’un des smartphones de la marque. De nombreux consommateurs se plaignent en effet de son service après-vente. Délais de réponse interminables, téléphones retournés aux clients sans aucune intervention, traces d’oxydation imaginaires, disparition mystérieuse des dossiers… Les témoignages sont accablants. Wiko se défend en jouant la surprise, sans vraiment convaincre.
En quelques années, les smartphones Wiko ont trouvé leur place sur le marché, entre ceux d’Apple, de Samsung et des autres fabricants. Depuis son lancement en 2012, la marque a multiplié les modèles pour séduire tous les profils d’utilisateurs, de l’hyper low cost, comme le Sunset 2 à 59 € (lancé en juillet 2015), au assez haut de gamme, comme le Highway Star 4G à 349 € (à sa sortie en avril 2015). Suivant le rythme effréné des sorties, nous avons testé une trentaine de modèles en laboratoire, avec des résultats cohérents avec les prix pratiqués.
Oxydation : la garantie dérouille
Seulement voilà, mieux vaut ne pas rencontrer de problème avec l’un des smartphones de la marque. Chez Que Choisir, nous recevons régulièrement des témoignages de clients très mécontents du service après-vente. Le flot de plaintes a commencé il y a longtemps sur notre forum. Interrogé sur ces défaillances au printemps dernier, Wiko nous affirmait avoir été pris de court par son succès et s’organisait justement pour mieux gérer les pannes de ses clients. Huit mois plus tard, rien n’a changé pour eux : les plaintes nous parviennent encore par dizaines. Une page Facebook (1) a même été créée par des clients mécontents, qui s’expriment d’ailleurs aussi sur Twitter. Outre les délais à rallonge, très largement supérieurs à ceux annoncés lors de la prise en charge, plusieurs motifs de plaintes sont récurrents : difficulté de communication avec le SAV, dossier mystérieusement égaré, retour du smartphone à l’expéditeur sans aucune intervention, ou alors avec une nouvelle panne... De nombreux clients se sont vu refuser la réparation de leur smartphone au motif qu’il présentait des traces d’oxydation. Révélée par une pastille qui change de couleur au contact de l’eau, l’oxydation constitue en effet, chez tous les constructeurs, un motif d’exclusion de garantie (comme toute trace de choc, même minime). Le problème est que de nombreux clients affirment que leur mobile n’a jamais pris l’eau ; plusieurs ont même pu le faire constater. « Même le SAV d’Auchan n’a pas compris, le témoin d’oxydation était nickel ! », explique Sabrina. « Un réparateur indépendant (…) me garantit qu’il n'est pas du tout oxydé », confirme Karine. « La fameuse excuse de l’oxydation imaginaire chez Wiko… », analyse Christophe. Yann Bélieut, le responsable du SAV de Wiko, se dit surpris de ces retours. « L’oxydation touche la carte-mère, elle est donc susceptible de toucher différents composants du téléphone, comme le micro ou le haut-parleur. Le smartphone entre souvent au SAV pour un autre motif, qui cache en fait une oxydation », se défend-il. Tout en promettant tout de même de se renseigner auprès de l’entreprise qui gère le SAV de la marque.
« Des process très stricts »
Car depuis deux ans, Wiko ne gère plus les réparations elle-même. Elle a délégué cette partie de son activité à Sofi Groupe, ex-Fibrosud, une petite entreprise de maintenance électronique basée à Saint-Mathieu-de-Tréviers, près de Montpellier. « Nous avons défini avec eux des process très stricts, explique Yann Bélieut, qui ne laissent aucune place aux dérapages évoqués ». Ce cahier des charges prévoit par exemple que les smartphones doivent systématiquement être ouverts, sauf dans certains cas particuliers (si la panne déclarée n’est pas constatée lors des tests, par exemple). Il fixe également un taux de rebond maximal (nombre de smartphones qui reviennent au SAV après une première réparation), sous peine de pénalités. Sofi Groupe serait donc responsable ? Mais pourquoi cette PME régionale, qui a plusieurs fois lutté pour sa survie (2), s’amuserait-elle à saboter le SAV d’un client qu’on devine important ? Du bout des lèvres, Yann Bélieut admet que « Sofi Groupe est sans doute sous-dimensionnée par rapport aux besoins de Wiko. Nous envisageons de désengorger l’activité et rééquilibrer les flux avec notre second réparateur agréé, Cordon Electronics, qui ne gère pour l’instant que le SAV professionnel ».
Pièces détachées de mauvaise qualité
En attendant une amélioration de la prise en charge, une nouvelle fois promise, Wiko laisse des dizaines de clients le bec dans l’eau. Car nombreux sont ceux qui ont renoncé à faire réparer leur téléphone à travers le SAV, bien qu’il soit toujours sous garantie. Les plus motivés tentent leur chance auprès d’un réparateur indépendant, quitte à payer la réparation de leur poche. Mais le risque est grand d’être encore déçu. « Tous les réparateurs tiennent le même discours : fabrication chinoise bon marché, pas de pièces détachées : poubelle ! », témoigne Alain. « Il est pratiquement impossible de trouver de la pièce d’origine, uniquement du compatible de mauvaise qualité », confirme le responsable de la Clinique du Smartphone, une enseigne de réparation basée à Paris et à Lyon. Là aussi, Wiko assure pourtant s’être organisée en déléguant l’importation de pièces détachées à un logisticien, Mobiletron, qui se charge de s’approvisionner auprès de l’usine chinoise qui fabrique tous les smartphones Wiko, Tinno Mobile Technology (3). « 80 % des pièces détachées des mobiles commercialisés en 2015 sont disponibles », assure Yann Bélieut. Certes, mais les clients n’achètent pas toujours un smartphone à sa sortie : 68 % des témoignages reçus ces deux derniers mois chez Que Choisir concernent des smartphones de 2014, 2013 ou 2012. Wiko va devoir faire mieux. Depuis mars 2015, la loi Hamon contraint en effet les fabricants à fournir aux vendeurs et aux réparateurs, agréés ou non, les pièces détachées d’un produit, et ce dans un délai de 2 mois (4). Wiko a tout intérêt à s’y conformer, car sur le marché des smartphones à prix serrés, il n’est plus seul. « De nouvelles marques comme Huawei proposent des produits avec d’excellents rapports qualité/prix avec une organisation de leur SAV irréprochable », assure Martine Bocquillon, fondatrice du réseau de réparateurs Point Services Mobile. Nous vous conseillons de vous y intéresser : nos tests des smartphones Huawei, mais aussi Xiaomi ou ZTE, leur sont plutôt favorables.
(1) Page Facebook « Les oubliés du SAV de Wiko ».
(2) Créée en 1986, Fibrosud a été rachetée par le groupe Anovo en 2000 avant que ce dernier ne soit placé en liquidation judiciaire en 2011. Six salariés arrachent alors au repreneur (le fonds de pension Butler Capital Partners) un accord qui leur permet de racheter l’outil de travail et de relancer leur activité. En 2014, Sofi Groupe rachète l’entreprise.
(3) Tinno Mobile Technology est l’actionnaire majoritaire de Wiko.
(4) Décret no 2014-1482 du 9 décembre 2014 sur les modalités et conditions d’application de l’article L. 111-3 du code de la consommation.