Elsa Abdoun
Un label au rabais ?
Extraction minière, évaporation artificielle de saumure… les méthodes de production de sel que la Commission européenne prévoit de labelliser en bio ne sont pas du goût des petits producteurs de sel marin.
Dernière ligne droite pour le projet de labellisation biologique du sel. Mercredi, la Commission européenne a soumis à consultation publique (1) son projet d’acte délégué, définissant les modes de production saline qui pourront obtenir le précieux label vert, potentiellement dès l’année 2023. Un texte qui met particulièrement en colère les petits producteurs de sel marin, les critères d’attribution du label étant jugés trop peu discriminants. Si certaines pratiques sont exclues, telles que l'extraction de sel de mine à l'aide d'explosifs ou encore l'ajout d'additifs anti-agglomérants dans les salières, d’autres, jugées problématiques, restent autorisées.
C’est notamment le cas de l’extraction mécanique de sel de mine. L’Association française des producteurs de sel marin de l’Atlantique récolté manuellement (AFPS) dénonce une contradiction entre cette pratique et la nécessité, dictée par le règlement sur le bio, de « respecter les systèmes et cycles naturels et maintenir et améliorer l'état du sol ». L’évaporation artificielle d'eau salée serait également tolérée, alors que celle-ci constituerait, selon l’AFPS, « la méthode de production de sel la plus énergivore de toutes ».
Ramassage au bulldozer
Le lavage du sel, présenté comme une « dénaturation » qui « élimine les sels secondaires naturellement présents » (tels que calcium, magnésium et potassium), n’est pas non plus exclu. « Ce sont seulement les producteurs industriels, qui ramassent le sel au bulldozer, qui en ont besoin », tient à préciser Élisabeth Wattebled, vice-présidente de l’AFPS et présidente de la Coopérative de sel de Noirmoutier.
La Commission européenne, interrogée, n’a pas souhaité commenter. Une fois la consultation publique terminée, celle-ci aura en tout cas la possibilité d’amender son texte, avant de le soumettre aux États membres et députés européens. « L’espoir est faible que la Commission revoie sa copie », estime cependant Élisabeth Wattebled, qui prévoit déjà la suite : « Si le texte passe en l’état, nous militerons pour revoir le règlement européen sur le bio, de manière à en sortir le sel. Mieux vaut pas de sel bio du tout, plutôt que ce grand n'importe quoi. »
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(1) Vous pouvez consulter le projet d’acte délégué et participer à la consultation publique, jusqu’au 4 janvier, en cliquant sur ce lien.