par Élisa Oudin
Scandale Apollonia Les banques, grandes absentes d’un procès attendu depuis longtemps

L’ouverture, le 31 mars dernier, du procès géant des principaux responsables de l’escroquerie Apollonia est un soulagement pour les victimes. Reste une interrogation : pourquoi les banques ne sont-elles pas au procès ?
En résumé
- Le procès Apollonia, attendu depuis plus de 15 ans par des centaines de victimes ruinées par des surévaluations immobilières et des loyers insuffisants, s'est ouvert à Marseille.
- Les victimes et leurs avocats regrettent l'absence des banques ayant accordé les prêts.
Cela fait plus de 15 ans que les centaines de familles victimes de la société financière Apollonia attendaient ce moment. Un procès hors norme, par son ampleur (762 personnes parties civiles et près d’un milliard d’euros de préjudice) et sa durée, a démarré le 31 mars dernier et se déroulera jusqu’au 6 juin devant la 6e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Marseille. Les nombreuses personnes ruinées, certaines mêmes expropriées et endeuillées, espèrent pouvoir obtenir la condamnation des responsables, et enfin tourner la page.
Démarchées par des commerciaux agressifs entre 1997 et 2009, ces personnes, le plus souvent des médecins et professions paramédicales, ont acquis, via plusieurs emprunts, des biens à mettre en location. Or la valeur de ces appartements a été très largement surévaluée (parfois jusqu’à six fois leur valeur) par les responsables d’Apollonia, lors de l’acquisition. Les loyers à percevoir l’ont été tout autant : ils se sont révélés largement insuffisants pour rembourser les nombreux prêts contractés, contrairement à ce qui avait été vendu.
Banques blanchies tardivement
Malgré les espoirs d’un jugement proche, les victimes et leurs avocats regrettent d’ores et déjà une grande absence : celle des banques ayant accordé les prêts aux victimes du « système Apollonia », en particulier plusieurs filiales du Crédit immobilier de France (CIF), plusieurs caisses du Crédit mutuel et du Crédit agricole et BNP Paribas Personal Finance. Plusieurs responsables du Crédit immobilier de France de Rhône-Alpes-Auvergne (Cifraa) et de la banque Patrimoine et immobilier (BPI), filiales du CIF, ont notamment été mis en examen par deux juges d’instruction successifs du tribunal de grande instance de Marseille.
Dans son arrêt du 22 juin 2011, la chambre d’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a elle-même fait état des déclarations de la directrice du Cifraa à l’époque des faits qui « finissait par reconnaître que l’organisation mise en place avait pour effet, sinon pour objet, d’être suffisamment approximative pour que ne soit pas décelé le caractère anormal des modalités de fonctionnement imposées par Apollonia ». Pourtant cette même chambre décidait, 12 ans plus tard, en mars 2023, de ne poursuivre aucune des banques, ni aucun des responsables mis en cause. Un blanchiment tardif qui interroge… D’autant plus lorsque l’on sait par exemple que le Crédit immobilier de France n’existe quasiment plus aujourd’hui ‒ en extinction, il ne gère plus que les prêts historiques ‒ et a été placé sous la garantie de l’État français.
Élisa Oudin