Elsa Casalegno
Salon de l’agricultureDes visiteurs en quête de transparence
L’édition 2019 du Salon de l’agriculture qui se tient actuellement à Paris aura été marquée par une grande demande de transparence. Les visiteurs ont beaucoup questionné les agriculteurs sur la manière dont est fabriquée leur alimentation. En face, les professionnels ont ajusté leur communication aux nouvelles habitudes de consommation. Reportage dans les allées de cet événement populaire.
« Aimez la viande, mangez des légumes ». « Aimez la viande, mangez-en mieux ». Ces messages flottent au-dessus de la tête des visiteurs, dans l’immense hall 1 du Salon de l’agriculture (1). La filière des viandes rouges semble avoir fait sa révolution copernicienne, se mettant (enfin) au diapason des nouvelles habitudes alimentaires hexagonales. En particulier, elle s'empare de la notion de flexitarisme, cette pratique alimentaire flexible à dominante végétarienne mais intégrant une consommation ponctuelle de viandes et poissons. D'année en année, les Français achètent moins de viandes rouges, mais ces achats plus occasionnels se portent sur des produits de meilleure qualité.
Pour cette édition 2019 du Salon, les animations sur le stand de l'interprofession tournent donc autour d’un atelier de cuisine « Le flexitarien » pour les gourmands, d’un « Flexi’studio » pour les adeptes du sport, ou d’une « Planète flexi » pour les enfants... On est bien loin de la campagne publicitaire de 2018 avec ses lascives « Filles à côtelettes » ! Le public se presse sur ce stand, comme sur les stands voisins, dans un brouhaha continuel. Au-delà des goodies à gagner, c’est aussi l’occasion d’interroger les agriculteurs présents sur leurs pratiques.
Le sujet 2019, c’est la transparence
Des professionnels contents de cet intérêt et de l’accueil qui leur est fait. Car ici, on est loin de « l’agribashing » dont se plaignent depuis des mois syndicats agricoles et industriels : pas de questions sur la dernière émission de Cash investigation, peu de critiques sur la production intensive, celle qui s’expose pourtant au Salon. L’affaire Lactalis et le procès Spanghero ont plutôt donné envie aux consommateurs d’en savoir plus sur ce qui se passe derrière les murs des usines. Le sujet 2019, c’est donc la transparence. « En 2017, les visiteurs parlaient du bio. En 2018, les questions tournaient autour des pesticides. Mais cette année, ils veulent savoir comment on produit, à quoi correspond une charte qualité, quel chemin parcourt l’aliment avant d’arriver jusque dans leur assiette… », explique un producteur de pommes des Vergers écoresponsables. Un céréalier confirme : « l’ambiance est plus sereine et moins polémique. Les gens demandent quelles sont les plantes exposées sur les stands, comment on les plante, comment on les cultive… » Les visiteurs sont aussi séduits par les technologies présentées : le succès de l’énorme moissonneuse-batteuse exhibée dans le hall 2 ne se dément pas, parents et enfants se pressent dans la cabine panoramique. Le drone suspendu dans les airs intrigue : à quoi peut-il servir ? Autre source d’embouteillages dans les travées, la presse à huile de la filière oléoprotéagineuse, qui en profite pour promouvoir discrètement ses agrocarburants.
L'heure n'est pas à la remise en cause du modèle agroalimentaire français, mais à la célébration de l'agriculture conquérante et moderne. Les soucis des éleveurs sont provisoirement oubliés, et les visiteurs viennent se replonger avec délices dans leurs lointaines racines rurales.
(1) Le Salon de l’agriculture se tient du 23 février au 3 mars Porte de Versailles à Paris.