Marie-Noëlle Delaby
RougeoleLa recrudescence des cas inquiète les autorités
Depuis novembre 2017, la France connaît une recrudescence de la rougeole avec 1 232 cas déclarés entre le 6 novembre 2017 et le 28 mars 2018 selon l’Institut national de veille sanitaire (INVS). Alors que les enfants de moins d’un an et les adultes sont les plus sujets aux complications, les autorités sanitaires somment les personnes exposées à des cas de vérifier de toute urgence leur statut vaccinal. Que Choisir fait le point sur les recommandations du ministère de la Santé.
C’est une des infections les plus contagieuses qui existent. Trop souvent considérée comme une maladie enfantine « à boutons » sans grand danger, la rougeole peut en réalité s’avérer gravissime chez le nourrisson et le jeune adulte. Se transmettant facilement par l’air (postillons, toux, éternuement…) à toute personne non protégée, elle peut, en cas de complications, atteindre les poumons et le cerveau, la première cause de décès chez l’enfant étant la pneumonie et chez l’adulte l’encéphalite aiguë. Les formes compliquées sont plus fréquentes chez les enfants de moins de 1 an et chez les adultes de plus de 20 ans.
Depuis novembre 2017 où les premiers cas se sont déclarés dans la région Nouvelle-Aquitaine, 69 départements ont été touchés par l’épidémie et plus de 20 % des cas ont été hospitalisés, une femme, non vaccinée, étant décédée en février. Les enfants de moins d’un an – pas encore vaccinés – et les adultes sont les plus exposés aux complications, 86 % des cas étant survenus chez des personnes non ou mal vaccinées (une seule dose).
Pour rappel, la vaccination contre la rougeole, inscrite au calendrier vaccinal depuis les années 80, est désormais obligatoire chez les enfants nés à partir de janvier 2018. Elle s’effectue via un vaccin combiné ROR (rougeole-oreillon-rubéole) et nécessite deux doses. La première dose est recommandée à l’âge de 12 mois et la seconde entre 16 et 18 mois, avec un délai d’au moins un mois entre les deux vaccinations.
Les autorités, qui craignent une extension de l’épidémie au niveau national, conseillent vivement à toute personne ayant été exposée à la rougeole de vérifier son statut vaccinal et de consulter son médecin en cas de doute dans les trois jours.
Les recommandations pour les personnes à risque
Le ministère de la Santé a édicté des recommandations pour les personnes ou les parents d’enfants ayant côtoyé un malade pendant sa période de contagiosité (5 jours avant et jusqu’à 5 jours après le début de l’éruption) dans leur famille, sur leur lieu de travail ou via un lieu d’accueil collectif (crèche, école, assistante maternelle).
Pour les personnes nées avant 1980
L’État n’estime pas la mise à jour de la vaccination nécessaire dans cette population. Avant 1980, c’est-à-dire avant les premières campagnes de vaccination contre la rougeole, le virus circulait massivement dans la population. Pour les personnes nées antérieurement, la probabilité d’avoir rencontré la maladie dans l’enfance et donc forte. Le fait que leur corps ait déjà lutté contre l’infection leur impute une immunité naturelle. Ces personnes sont donc protégées. Toutefois, si le patient doute d’avoir contracté la maladie par le passé, les autorités l’invitent à consulter son médecin.
Seule exception à cela : les professionnels de santé et personnels en charge de la petite enfance nés avant 1980 et non réceptifs à la rougeole (c'est-à-dire non vaccinés, vaccinés d’une seule dose ou sans antécédent de rougeole). Le ministère de la Santé recommande l’administration d’une dose de vaccin trivalent ROR (rougeole-oreillon-rubéole).
Pour les personnes nées après 1980
Pour les personnes ayant leur carnet de vaccination :
- Si celui-ci mentionne deux doses de vaccin, le patient est protégé.
- Si celui-ci ne mentionne pas de vaccination contre la rougeole, le patient n’est pas protégé. Il doit donc rapidement consulter un médecin pour mettre à jour sa vaccination dans les trois jours qui suivent l’exposition à la maladie.
- Si celui-ci ne mentionne qu’une dose de vaccin, le patient n’est pas forcément protégé. En effet, 15 % des patients sont non répondeurs à la première dose. La seconde permet de « rattraper » la plupart des cas et a un effet de stimulation sur l’immunité conférée. Le patient doit, là encore, rapidement consulter un médecin pour recevoir une seconde dose, idéalement dans les trois jours qui suivent l’exposition à la maladie.
Pour les personnes ignorant leur statut vaccinal (carnet de santé perdu, par exemple)
Il est recommandé de consulter son médecin pour éventuellement mette à jour les vaccinations. Sans que l’État ne recommande pour autant la vérification systématique du statut sérologique grâce à une prise de sang. « En pratique, il nous arrive de le faire mais il n’y a pas de contre-indication particulière à revacciner un adulte dont on ignore le statut sérologique vis-à-vis de la rougeole », précise le Dr Gilberg, médecin généraliste et ancien membre du Comité technique des vaccinations (CTV).
Enfin, les personnes ayant contracté la maladie sont naturellement protégées.
Pour les enfants de 6 à 12 mois
Les parents doivent impérativement consulter un médecin dans les trois jours suivant l’exposition pour que l’enfant reçoive une dose de vaccin ou un traitement par immunoglobulines si nécessaire.
En France, la vaccination contre la rougeole n’est recommandée qu’à partir de 12 mois. « La principale raison pour laquelle il ne faut pas vacciner trop tôt est la capacité de déclencher une réponse immunitaire chez le jeune nourrisson. Elle est d'autant plus faible que le nourrisson est plus jeune », précise le Dr Claudina Michal-Teitelbaum.
Toutefois, selon les recommandations aux professionnels du ministère de la Santé, chez les nourrissons âgés de 6 à 11 mois exposés à un cas de rougeole, une dose de vaccin trivalent ROR peut être recommandée, hors autorisation de mise sur le marché (AMM), dans les 72 heures suivant le contact présumé (1). Dans ce cas, l’enfant recevra par la suite deux doses de vaccin trivalent suivant les recommandations du calendrier vaccinal : 1re dose à l’âge de 12 mois, 2e dose entre 16 et 18 mois.
Pour les personnes ne pouvant être vaccinées contre la rougeole
Le vaccin contre la rougeole étant un vaccin vivant atténué, il ne peut être administré aux femmes enceintes et aux personnes immunodéprimées. Il est alors nécessaire de consulter son médecin dans les trois jours qui suivent l’exposition pour mettre en place un traitement approprié et éviter la survenue de la maladie. C’est la stratégie dite de cocooning : les sages-femmes et médecins qui suivent les nourrissons, les grossesses ou les personnes immunodéprimées (chimiothérapie, sida…) sont notamment autorisés à vacciner l’entourage (enfants, conjoint) du patient pour le protéger d’une éventuelle exposition.
Épidémie de rougeole : ça s’en va et ça revient
La France a déjà connu une épidémie de rougeole entre 2008 et 2014. Près de 24 000 cas avaient alors été déclarés aux autorités (soit l’équivalent de 328 cas par mois). Un chiffre qui, selon un bulletin de l’Académie de médecine, pourrait ne représenter que 55 % des cas réels. Environ 43 000 personnes auraient effectivement été touchées durant cette période. 10 décès, dont celui d’un enfant de moins de 15 ans, étaient survenus sur la même période. La situation s’était ensuite nettement améliorée, sans que la couverture vaccinale n’ait atteint 95 % de la population, seuil préconisé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour espérer éliminer la maladie. En effet, seuls 78,8 % des enfants de deux ans avaient reçu les deux doses de vaccin nécessaires à la vaccination en 2015, avec toutefois un « rattrapage » dans l’enfance, ce seuil atteignant 93,2 % chez les enfants de 11 ans. Malgré cela, le nombre de cas avait chuté à partir de 2015. Ainsi, du 1er janvier 2017 à la fin juillet 2017, on ne recensait plus que 405 cas, soit l’équivalent de 58 cas par mois… Avant de s’aggraver à nouveau en novembre.
Est-ce à dire que la vie et mort d’une telle épidémie est indépendante de la stratégie vaccinale ? « Certes, nous savons bien que la population n’est pas vaccinée de manière homogène. Il suffit donc d’un foyer sporadique de personnes non vaccinées pour amorcer une épidémie », rappelle le Pr Serge Gilberg. En 2008, des poches de cas s’étaient notamment déclarées au sein d’écoles catholiques intégristes de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, chez des enfants non vaccinés. « Mais à l’inverse, la chaîne de transmission fait qu’à un moment donné, l’épidémie va s’arrêter faute de rencontrer des personnes non immunisées, d’où l’importance d’une bonne couverture vaccinale. Et même si le pourcentage de 95 % de couverture vaccinale n’est pas atteint, on sait par expérience que lorsqu’une épidémie de rougeole est connue du grand public, les mesures barrières se montrent efficaces », conclut-il.
Dans ce contexte de retour de l’épidémie, le gouvernement insiste sur la nécessité d’atteindre ces fameux 95 % de couverture. Mais de son côté, le Dr Claudina Michal-Teitelbaum se montre plus réservée quant à la possibilité d’éradiquer la maladie, même avec une couverture vaccinale très haute : « L’exemple d’autres pays européens, comme l’Allemagne où le taux de couverture dépasse les 97 % pour la première dose du vaccin et atteint 93 % pour la deuxième et qui malgré cela sont fortement touchés par l’épidémie montre qu’il existe des facteurs limitant à cette théorie ».
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(1) Le 29 novembre 2017, le laboratoire Sanofi Pasteur indiquait l'arrêt de commercialisation du vaccin Rouvax, seul vaccin rougeoleux monovalent sur le marché. Or celui-ci était notamment recommandé par l’avis du Haut conseil de la santé publique du 28 juin 2013 chez les nourrissons âgés de 6 à 11 mois pour lesquels une vaccination contre la rougeole est requise. Le Haut conseil écrivait alors : « En l’absence d’AMM, le vaccin trivalent ne peut être utilisé entre 6 et 8 mois. Le recours au vaccin rougeole monovalent est donc la seule possibilité dans cette tranche d’âge ». Alors que les derniers Rouvax en stock périment en avril 2018, les recommandations de l’État sont désormais d’utiliser le vaccin trivalent (M-M-RVAXPRO ou Priorix) hors AMM. Sans que le Haut conseil n’ait réémis pour l’heure d’avis à ce sujet.