Roaming, neutralité du NetL’Europe avance à reculons
Une « bonne nouvelle », une « grande avancée »… à en croire certaines réactions, le règlement Télécoms voté la semaine dernière à Strasbourg par les eurodéputés aurait de quoi réjouir les consommateurs. Même s’il intègre des avancées notables, tout est loin d’être rose.
Au terme de plusieurs années de travail et de négociations, le règlement Télécoms a enfin été voté par le Parlement européen. Si la fin du roaming et le principe de neutralité du Net sont actés, la mise en place de ces mesures est assortie de restrictions qui laissent craindre le pire.
Sur les frais d’itinérance (roaming) par exemple, les eurodéputés ont confirmé leur suppression totale à partir du 15 juin 2017. Dès lors, les consommateurs qui utilisent leur smartphone à l’étranger paieront le même prix quel que soit le pays de l’Union européenne dans lequel ils se trouvent. Outre le fait que le texte repousse de 18 mois la mise en place de cette mesure (dans un premier temps, elle était prévue pour décembre 2015), il évoque aussi la nécessité pour les consommateurs d’avoir une « utilisation raisonnable » de leur mobile à l’étranger. Encore faut-il que les opérateurs ne profitent pas de cette opportunité qui leur est laissée pour restreindre l’usage de leurs abonnés. Surtout, le texte conditionne la suppression du roaming à une réforme profonde du marché de gros, c’est-à-dire ce que les opérateurs se facturent entre eux lorsqu’un client appelle de l’étranger. Or, un tel chantier a peu de chances d’être finalisé d’ici le premier semestre 2017. Malgré tout, ces exceptions ne sont pas réellement des surprises dans la mesure où elles étaient déjà présentes dans un précédent accord signé en juillet dernier entre les instances européennes.
La mauvaise surprise vient surtout de la partie sur la neutralité du Net. Si le texte qui vient d’être signé contraint bien les fournisseurs d’accès à Internet à traiter le trafic « de façon égale et sans discrimination, restriction ou interférence », les eurodéputés ont abandonné la notion de « neutralité du Net » pour celle d’« Internet ouvert », nettement moins stricte. Surtout, ils ont prévu une série d’exceptions qui laissent la porte ouverte à d’éventuels abus. Le texte stipule en effet que les FAI pourraient ainsi être amenés à prendre des mesures en cas de congestion imminente de leur réseau ou pour se prémunir contre d’éventuelles cyberattaques. Il reviendra aux autorités de régulation de chaque pays (l’Arcep pour la France) de faire en sorte qu’ils ne fassent pas de zèle au détriment des consommateurs. Le règlement laisse par ailleurs la possibilité aux FAI de proposer des contenus « optimisés » avec un « niveau de qualité spécifique ». Sur la base de ce principe, un opérateur pourrait, par exemple, décider de ne pas décompter des forfaits data de ses clients l’accès aux services d’éditeurs avec lesquels il a passé un accord commercial. De telles mesures devront être supervisées par les autorités de régulation nationales et ne pas se faire au détriment des autres abonnés. N’empêche, il y a fort à parier que ce genre d’exceptions serviraient surtout les intérêts des grands éditeurs tels Facebook, Youtube ou Netflix et rendraient plus compliquée l’arrivée de nouveaux acteurs. L’innovation risquerait, à terme, de prendre un coup dans l’aile.