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Retraites et pensionsLes impacts de la crise

Après la crise sanitaire, la crise économique s’annonce durable et sévère. Côté retraites, que l’on soit encore actif ou déjà pensionné, les conséquences éventuelles de ce choc inédit peuvent être importantes. Nos réponses à vos questions.

Retraité, je suis inquiet pour mes pensions : peuvent-elles diminuer au nom de la solidarité ?

Depuis la création du régime général et des autres régimes de retraite par répartition, jamais une telle mesure n’a été prise malgré les crises traversées, et notamment celle de 2008. Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) ne peut imaginer une telle situation « car la retraite a une dimension patrimoniale. Priver quelqu’un des droits qu’il a acquis par le biais de ses cotisations me semble juridiquement très difficile ». Pour autant, le niveau de vie des retraités est régulièrement pointé du doigt. Dans son étude en date du 11 juin dernier, le Conseil d’orientation des retraites estime par exemple que la pension moyenne nette est en hausse de +1,2 % en 2020 (à comparer avec une baisse estimée à -5,3 % de la rémunération moyenne nette). Même constat pour le niveau de vie des retraités, en hausse par rapport à celui de l’ensemble de la population, à +105 % en 2019 mais à +110 % en 2020. Pour mettre davantage les retraités à contribution, une fiscalité plus contraignante pourrait se faire jour, même si le président de la République a récemment exclu toute hausse d’impôt. Mais différentes pistes émergent à nouveau à la faveur de la crise : par exemple, celle de la suppression de l’abattement de 10 % pour frais professionnels dont bénéficient certes les actifs, mais aussi les retraités.

J’ai 59 ans et mon entreprise connaît des difficultés. Si je suis licencié, pourrai-je prendre ma retraite comme prévu ?

Une entreprise en difficulté peut procéder à des licenciements pour motif économique. Ce type de procédure s’accompagne de différentes mesures d’accompagnement et de reclassement des salariés. Pour les plus âgés, lorsque la perspective d’un retour à l’emploi est très aléatoire, c’est Pôle emploi qui prend le relais et indemnise en fonction des périodes de travail accomplies. À partir de 55 ans, dans la mesure où vous avez travaillé sans interruption avant votre licenciement, vous pouvez potentiellement percevoir l’Allocation de retour à l’emploi (ARE) durant 36 mois. De fait, et si l’on suppose un licenciement à 59 ans, début 2021, vous serez indemnisé jusqu’à vos 62 ans, y compris si l’on tient compte des différents délais appliqués par Pôle emploi avant : délai de carence, différé d’indemnisation pour congés payés et différé d’indemnisation pour indemnités supra-légales perçues… Durant toute cette période d’indemnisation, au nom du principe de solidarité des régimes par répartition, vous engrangerez chaque année 4 trimestres retraite ainsi que des points Agirc-Arrco en nombre quasiment équivalent à ceux gagnés précédemment par le jeu de vos cotisations obligatoires. À 62 ans, de deux choses l’une… Soit vous pouvez faire valoir vos droits à la retraite comme prévu, parce que vous avez tous vos trimestres pour bénéficier de votre pension de base à taux plein (par exemple 168 trimestres si vous êtes né en 1962). Soit vous ne pouvez pas encore faire valoir vos droits à la retraite, faute d’avoir atteint le taux plein. Dans ce cas, sous réserve de respecter plusieurs conditions (être indemnisé depuis au moins 1 an, justifier de 12 ans d’affiliation à l’assurance chômage, d’une période d’emploi d’une année continue et d’au moins 100 trimestres tous régimes confondus validés par l’assurance retraite…), l’ARE vous sera versée jusqu’à votre âge de taux plein (62 ans et demi, 63 ans ou davantage…).

J’ai 58 ans, je réunis toutes les conditions pour un départ à la retraite au titre d’une carrière longue. Si je suis licenciée, cela sera-t-il toujours le cas ?

Tout va dépendre de la date du licenciement et de la durée de votre période de chômage indemnisé. Pour les personnes qui peuvent prétendre à ce dispositif, le nombre de trimestres chômage est en effet limité à 4 pour toute la carrière professionnelle (pas de limite dans les autres situations). En clair, si ce plafond est franchi, même en toute fin de carrière si vous êtes née en 1961, 1962 ou 1963 par exemple, vous ne pourrez plus faire valoir vos droits retraite dès vos 60 ans (ou 58 ans sous certaines conditions), mais à 62 ans seulement. Pour limiter cet impact, vous devez retarder autant que possible votre date d’inscription à Pôle emploi (en posant tous vos congés payés par exemple) pour n’être indemnisée que sur un temps très court, ou recouvrer un travail, même à temps partiel, pour continuer à engranger des trimestres retraite cotisés.

Avec la crise du coronavirus, les ressources des régimes de retraite ont drastiquement diminué. L’Agirc-Arrco est même obligé d’emprunter pour payer les pensions… Faut-il s’en alarmer ?

Avec des rentrées de cotisations en forte baisse du fait d'un chômage partiel intense et d’un report de versement des cotisations patronales, l’Agirc-Arrco a évidemment, et sans doute plus qu’un autre régime de retraite, souffert de la crise… À l’heure où nous écrivons, Didier Pensec, responsable des Experts retraite à l’Agirc-Arrco explique que le « flux des cotisations est aujourd’hui de 70 % par rapport à celui qui aurait dû être encaissé, ce qui représente un déficit de trésorerie d’un peu plus de 2 milliards pour le mois de mai ». Dès lors, ce régime complémentaire qui est, il faut le rappeler, piloté par les partenaires sociaux, a fait le choix d’emprunter plutôt que de puiser dans ses réserves financières investies en actions et en obligations « car la période n’est pas optimale pour les mobiliser », selon Didier Pensec. Celles-ci sont pour le moins confortables puisque de l’ordre de 65 milliards d’euros actuellement, ce qui représente l’équivalent de plus de 9 mois de versement des pensions.

J’ai été mis en chômage partiel durant 2 mois. Quel en sera l’impact sur ma retraite ?

Être en chômage (ou en activité partielle) signifie, entre autres, ne pas cotiser pour sa retraite, donc n’acquérir ni trimestres, ni points. Cette disposition est donc très différente de celle qui prévaut pour un chômage classique. Du côté des trimestres, si vous avez travaillé en début d’année et avez repris votre travail mi-juin par exemple, pas d’inquiétude à avoir : vous engrangerez probablement sans difficultés 4 trimestres retraite en 2020, puisqu’il suffit de cotiser sur la base de 600 h de Smic horaire, soit 6 090 € bruts, pour acquérir ces 4 trimestres en 2020.

Du côté des points Agirc-Arrco, les choses sont différentes. En effet, un salarié continue à percevoir des points – sans contrepartie de cotisations – mais au-delà de la 60heure de chômage partiel indemnisé seulement. Par exemple, avec 2 000 €/mois de salaire brut (24 000 € de salaire/an brut), un actif va normalement percevoir 85,53 points Agirc-Arrco en 2020 (ces points seront inscrits l’année prochaine sur son relevé de carrière). Avec un chômage partiel de 8 semaines, ce total sera ramené à 83,09, dont 11,82 points de chômage partiel. « Cette période de chômage partielle n’aura donc qu’un très faible impact sur le montant de la pension complémentaire », souligne Didier Pensec.

Du 22 au 26 juin 2020, l’Agirc-Arrco mobilise 300 conseillers retraite pour répondre à vos questions par téléphone. Inscription préalable sur agirc-arrco.fr.

Roselyne Poznanski

Roselyne Poznanski

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