Arnaud de Blauwe
Les juges au chevet des passagers
Le règlement européen 261/2004 renforçant les droits des passagers européens prévoit des indemnisations forfaitaires pour les passagers de l'aérien confrontés à une surréservation ou à une annulation de leur vol. Dans une récente décision, la Cour européenne de justice demande à ce que ce dispositif soit étendu aux situations de retard.
Pour la Cour de justice européenne, les passagers confrontés à un retard d'avion ont droit à une indemnisation forfaitaire. C'est la conclusion d'une décision qu'elle a récemment rendue à la demande de deux tribunaux, l'un allemand, l'autre autrichien. Ces derniers avaient été saisis d'une demande d'indemnisation de passagers victimes de retards supérieurs à 20 heures. Mais avant de statuer, ces juridictions nationales voulaient obtenir de la Cour européenne quelques éclaircissements sur le règlement européen 261/2004.
Applicable depuis février 2005, ce texte est venu renforcer les droits des passagers. Il prévoit un système d'indemnisation forfaitaire (entre 250 et 600 euros selon la durée du vol) pour les passagers confrontés à une annulation de vol ou à une surréservation. En revanche, ce dispositif d'indemnisation « automatique », à la charge des compagnies, ne s'applique pas aux retards. Dans ces circonstances, les obligations pesant sur les transporteurs aériens sont plus légères. Par exemple, pour les retards supérieurs à 3 heures, ils doivent simplement prendre en charge leurs passagers (rafraîchissements, collation, hébergement...). Les voyageurs en rade pouvant exiger qu'on leur rembourse leur billet si le retard est supérieur à 5 heures.
Dans sa décision, la Cour estime que ce règlement est de facto trop restrictif. Elle estime en effet que le système d'indemnisation forfaitaire doit être étendu aux retards de plus de 3 heures car, en pareille situation, « les passagers subissent un préjudice analogue [à l'annulation ou à la surréservation, NDLR] consistant en une perte de temps ».
L'argument de l'aéronef
Le règlement européen considère en outre que les compagnies n'ont pas à indemniser leurs clients si les dysfonctionnements sont dus à « des circonstances extraordinaires », non explicitement définies par le texte. La Cour rappelle dès lors que la compagnie doit apporter les preuves que le retard est bien la conséquence d'événements « qui échappent à la maîtrise de la compagnie aérienne et qui n'auraient pu être évités même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ». Elle prévient également qu'un « problème survenu à un aéronef ne peut pas être considéré (d'emblée) comme une circonstance extraordinaire ». En pratique, cette cause est souvent avancée par les compagnies pour se soustraire aux obligations du règlement.
Cette décision de la justice européenne survient à un moment où, selon nos informations, la Commission planche sur une révision du règlement de 2004. Il pourrait se montrer plus sévère à l'égard des compagnies aériennes, Bruxelles ayant déploré à plusieurs reprises des manquements dans son application. Par exemple, en cas d'annulation de vol, les compagnies ont tendance à indiquer qu'il s'agit d'un retard. Ce qui les dispensait donc, jusqu'à présent, de verser aux voyageurs une indemnisation.
En cas de litige avec une compagnie aérienne, le consommateur pourra désormais invoquer les conclusions de cet arrêt de la Cour européenne devant le tribunal qu'il aura saisi dans son pays.