Élisabeth Chesnais
Répartiteurs de frais de chauffageUne absence de fiabilité démontrée
Très loin des polémiques juridiques concernant le contenu du décret du 30 mai 2016, le bureau d’études Enertech, spécialiste de la performance énergétique du bâtiment, vient de publier un rapport technique objectif sur le comptage individualisé des frais de chauffage. Édifiant.
« Nous avons analysé le fonctionnement des deux dispositifs utilisés, le compteur de calories et les répartiteurs de frais de chauffage, souligne Sébastien Baurain, l’ingénieur thermicien responsable de l’étude. Pour le compteur d’énergie thermique correctement installé, c’est simple, il mesure la quantité de chaleur consommée. Pour les répartiteurs qui ne mesurent pas d’unité d’énergie physique, nous avons basé notre évaluation sur la norme qui régit leur fonctionnement et qui fixe des indices de précision. »
Difficilement contestables, les résultats démontrent que les répartiteurs de frais de chauffage sont à la source de multiples erreurs qui peuvent en plus se cumuler :
- La première est liée à l’identification du radiateur et de ses caractéristiques. Ainsi, beaucoup de radiateurs en panneau acier se ressemblent comme deux gouttes d’eau tout en ayant un mode de distribution de l’eau très différent. Ils n’ont pas le même coefficient, il faut paramétrer le répartiteur avec le bon. Et selon les cas, celui-ci se place en partie haute, ou à l’inverse en partie basse. Quand un poseur de répartiteurs se trouve face à ce type de radiateurs, l’erreur est aisée. Surestimation ou sous-estimation des consommations : 20 à 30 %.
- La deuxième erreur porte sur le positionnement du répartiteur quand la température du radiateur n’est pas homogène, ce qui est très courant. Surestimation ou sous-estimation des consommations : 20 %.
- La troisième concerne la température réelle de la pièce. Elle est évaluée arbitrairement à 20 °C par les répartiteurs mono-sondes, si on chauffe à 18 °C on paie trop, à l’inverse si on chauffe à 23 °C on paie trop peu. Elle est mesurée par les bi-sondes, c’est mieux sans mettre à l’abri des erreurs. Surestimation ou sous-estimation des consommations : 10 à 20 %.
« Cette accumulation d’imprécisions peut entraîner une erreur d’estimation des consommations très importante », conclut Enertech.
En cumulant erreur d’identification du radiateur (qui entraîne un mauvais paramétrage doublé d’un mauvais positionnement) et système mono-sonde, l’étude évalue la surestimation des consommations entre 69 et 86 %, et si le système est bi-sonde, entre 40 et 55 % !
Une sous-estimation facile
Par ailleurs, à supposer qu’un répartiteur bi-sonde soit bien posé, il suffit de peu pour que les données soient erronées : une serviette posée sur le radiateur devant le répartiteur, un rideau, un meuble devant ou une source de chaleur à proximité, et la température de l’air augmente aussitôt… Sous-estimation des consommations : 21 à 29 %.
Une fiabilité impossible à garantir
Au vu de toutes ces imprécisions et de ces données erronées, l’étude d’Enertech est formelle, « le répartiteur de frais de chauffage ne peut raisonnablement pas être considéré comme un moyen fiable de détermination de la quantité de chaleur fournie, tel que décrit dans l’article R. 241-7 du code de l’énergie. »
L’exemple des radiateurs emboués ou mal purgés
Un radiateur un peu emboué, c’est une situation très fréquente. Il se repère à sa partie centrale moins chaude, les boues s’y accumulent car c’est en cet endroit que la vitesse de l’eau est la plus faible.
Si le répartiteur est installé sur une zone embouée du radiateur, la surface chauffe peu, il sous-estime fortement la consommation. S’il est installé sur la partie non embouée du radiateur, il la surestime. Dans les deux cas, l’estimation est erronée.
La problématique est la même avec un radiateur mal purgé. Sa puissance réelle maximale est réduite, mais le répartiteur étant programmé sur sa puissance maximale, l’estimation de consommation sera surestimée.