Erwan Seznec
Réparation autoDavantage de concurrence
Les constructeurs automobiles verrouillent le marché de la réparation par des moyens que Bruxelles entend combattre plus énergiquement. Un nouveau règlement entre en vigueur le 1er juin 2010.
Les constructeurs automobiles, alliés à leur réseau de concessionnaires agréés, tentent de rendre leur clientèle captive de trois manières différentes. La première, très simple, consiste à refuser de vendre des pièces détachées aux réparateurs indépendants. La deuxième est plus subtile. Le constructeur fait de la rétention sur la documentation technique. Il s'agit de CD de données destinés à ce que les garagistes appellent la « valise ». Cette valise est en fait un ordinateur portable qui sert d'outil de diagnostic. Les voitures actuelles étant truffées d'électronique, le premier travail du garagiste est souvent d'interroger les puces intégrées dans tel ou tel organe. Travail impossible sans les spécifications techniques des véhicules. En réservant les mises à jour aux seuls professionnels agréés, ou en imposant des tarifs exorbitants aux indépendants, les constructeurs les sortent peu à peu du marché. Des procédures d'infractions avaient été ouvertes par Bruxelles en 2006 pour des telles pratiques contre DaimlerChrysler, Fiat, Toyota et GM.
Caprices farfelus
Troisième méthode : les clauses d'exclusivité dans les contrats de garanties. Pour qu'un véhicule soit pris en charge, les constructeurs demandent à ce qu'il ait été correctement entretenu depuis son achat, et à ce que les réparations aient eu lieu dans un garage agréé. Ni les associations de consommateurs, ni la Commission européenne ne leur contestent ce droit. Le problème est que les constructeurs ont transformé ces exigences minimales en caprices farfelus. Leurs réparateurs refusent de prendre en charge un problème de boîte de vitesses, par exemple, sous prétexte qu'une vidange a été réalisée 1 an auparavant dans un garage indépendant ! Les courriers reçus à ce sujet par l'UFC-Que Choisir sont éloquents. Malgré plusieurs décisions de justice condamnant des constructeurs, ces pratiques perdurent. Sachant que l'entretien représente 40 % du coût total d'un véhicule sur sa durée de vie, elles ont un impact non négligeable sur le porte-monnaie de l'automobiliste.
Ce problème n'est pas nouveau, et la Commission européenne a eu de nombreux échanges avec les constructeurs à ce propos ces dernières années. Ils ont abouti à un nouveau règlement, plus strict, qui entre en vigueur dès le 1er juin 2010. Il est difficile de dire comment il sera appliqué sur le terrain. L'enjeu pour les constructeurs est si grand qu'ils feront sans doute tout leur possible pour saboter les nouvelles dispositions. Lucide, la Fédération des syndicats de la distribution automobile (représentant les indépendants) a salué la sortie du nouveau texte, mais en appelant les autorités de la concurrence à la vigilance. Préoccupation partagée par l'UFC-Que Choisir, qui suit le dossier de très près.