Renseignements téléphoniquesLes 118 s’accrochent à Google
Des services de renseignements téléphoniques dont Google avait suspendu les comptes Google Ads, les empêchant ainsi de faire de la publicité sur le moteur de recherche, ont obtenu de la justice le rétablissement de leur compte et donc de leurs publicités. Tant pis si ces publicités peuvent être trompeuses pour les internautes.
Elles ont gagné une manche. Plusieurs sociétés ont obtenu devant le tribunal de commerce de Paris que Google les autorise à nouveau à faire de la publicité pour leur service de renseignements téléphoniques sur son moteur de recherche. À l’issue d’une audience en visioconférence, le juge des référés a ordonné au géant américain de rétablir sous 7 jours les comptes qu’il avait suspendus sous peine d’une astreinte de 100 000 € par jour de retard.
L’histoire a commencé en septembre 2019, quand Google a annoncé son intention de ne plus autoriser les services de renseignements téléphoniques, de transfert ou d’enregistrements d’appels à utiliser son service Google Ads, qui permet aux sociétés qui le souhaitent de faire apparaître des publicités sur les écrans des internautes en fonction des termes tapés dans le moteur de recherche. Après quelques échanges, la filiale française de Google avait accepté de reporter sa décision, avant de mettre sa menace à exécution dans la nuit du 30 au 31 mars en fermant les comptes Google Ads de plusieurs sociétés.
Certaines n’ont pas tardé à réagir. Majordom', gestionnaire du 118 818, Digital Solutions Prod, qui édite le 118 002 et le 118 300, et Aowoa, titulaire du 118 999, ont assigné Google en référé dans le but de faire rapidement annuler ces suspensions. Et pour cause, entre 88 % et 96 % de leur chiffre d’affaires est réalisé grâce aux publicités diffusées sur Google ! Autant dire que pour elles, avoir accès à Google Ads est un enjeu vital.
Les services 118 à l’origine de nombreux litiges
L’histoire n’est toutefois pas close. Car si le juge des référés a contesté la manière dont Google a agi, il a laissé le soin à un autre juge de se prononcer sur les raisons qui ont poussé le géant de la recherche à suspendre ces comptes. Google, en effet, assure avoir pris cette décision dans le but de lutter contre les publicités trompeuses et les activités frauduleuses, très nombreuses selon lui parmi les services de renseignements téléphoniques, de transfert et d'enregistrement des appels.
On peut difficilement lui donner tort. Depuis qu’ils ont remplacé le 12, les services de renseignements téléphoniques accessibles par des numéros à 6 chiffres commençant par 118 ont régulièrement fait parler d’eux négativement. Non seulement, depuis 2006, leurs tarifs n’ont cessé d’augmenter et leur activité s’est étendue bien au-delà de la simple fourniture de numéros de téléphone, mais surtout, ils sont depuis des années à l’origine de très nombreux litiges. Certains de ces services sont prêts à tout pour inciter les internautes à composer leur numéro. Ainsi, de nombreux consommateurs ont découvert sur leur facture de téléphone des communications de plusieurs dizaines d’euros après avoir composé l’un de ces numéros en pensant entrer en contact avec le service client d’une société (Amazon, Darty, SNCF, EDF, etc.) ou joindre leur caisse d’allocations familiales, leur centre des impôts ou leur agence Pôle emploi. Et pour cause, si les appels aux hotlines des sociétés et des administrations sont très peu chers voire carrément gratuits, le simple fait de passer par un service de renseignements en 118 peut coûter jusqu’à 2,99 € l’appel puis 2,99 € la minute, temps d’attente et communication suivant la mise en relation compris ! La majorité d’entre eux avaient composé ces numéros après être tombés sur une publicité en ligne laissant penser que le numéro en 118 qui s’était affiché était celui du service client qu’ils cherchaient à joindre. Un procédé plutôt malin, mais à la limite de la légalité.
Droit de réponse
“L'intégrité des sociétés Majordom', Digital Solutions Prod et Aowoa, a été gravement mise en cause par votre article publié le 13 dernier, en particulier au travers des insinuations contenues dans les passages suivants : « Tant pis si ces publicités peuvent être trompeuses pour les internautes » et « un procédé plutôt malin, mais à la limite de la légalité » pour lesquels nous faisons toutes réserves. Ces passages imputent en effet à nos sociétés la commission de délits civils et pénaux. Or, les Sociétés Majordom', Digital Solutions Prod et Aowoa tiennent à indiquer qu'à la date de publication de ces articles, aucune des sociétés citée dans l'article de l'UFC - Que Choisir n'a jamais fait l'objet de poursuites judiciaires ou administratives ou n'a jamais été mise en cause pour de prétendues pratiques commerciales trompeuses.
Il convient de souligner que l'Association Française des Renseignements téléphoniques (AFRT), dont sont membres les sociétés Majordom' et Digital Solutions Prod, n'a eu de cesse que de devancer les organismes de régulation du secteur des renseignements téléphoniques en adhérant aux principes édictés par la charte de bonne conduite des services de renseignements téléphoniques disponible à l'adresse suivante : https://www.afrt118.org/wp-content/uploads/2019/07/Charte-bonne-conduite-AFRT_0719.pdf
Les sociétés Majordom', Digital Solutions Prod et Aowoa rappellent également les vertus de la publicité au moyen d'annonces commerciales sur le moteur de recherche Google qui, a contrario des résultats naturels, permettent de manière totalement transparente aux clients des services de renseignements téléphoniques d'être parfaitement conscients de l'existence d'une relation commerciale.
Enfin Google, et contrairement aux allégations avancées par l'article de l'UFC-Que Choisir, a non seulement été un partenaire de longue date des services 118 mais également un acteur dans la promotion de ces services, avant d'entamer un virage radical en suspendant de nombreux comptes Google Ads des services 118 pour finalement exclure totalement le service 118 de son service Google Ads. Pour mémoire, cette politique de suspension des comptes Google Ads a ainsi valu à Google une amende de 150 millions d'euros pour abus de position dominante par l'Autorité de la concurrence dans sa décision n°19-D-26. A notre connaissance, nous tenons à préciser que Google a engagé un recours à l'encontre de cette sanction.
Les sociétés Majordom', Digital Solutions Prod et Aowoa signalent que la promotion de leurs services de renseignements téléphoniques sous la forme de numérotation débutant par 118 sont parfaitement identifiés par les utilisateurs et ne laissent aucune place à de la prétendue tromperie, dès lors que les conditions et les tarif des appels sont clairement affichés dans le respect total de la règlementation en vigueur.
Enfin, les services de renseignements téléphoniques, outre le fait de faciliter l'accès à l'information qu'est le renseignement téléphonique, ont également toujours eu vocation d'apporter un peu d'humanité dans le monde froid de la recherche sur internet, raisons pour lesquels nos client ont toujours fait appel à nos services.
L'Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de Paris le 30 avril 2020, en ordonnant le rétablissement des comptes Google Ads des sociétés Majordom', Digital Solutions Prod et Aowoa, est venue consacrée l'évidence de l'ensemble des éléments développés par les sociétés.”
La réponse de Que Choisir
Pas de poursuite judiciaire ou administrative en cours à l’encontre d’une des sociétés citées ? Soit. À aucun moment nous ne laissons entendre que c’est le cas. Et le fait que les sociétés citées ne fassent l’objet d’aucune poursuite ne signifie pas que les litiges n’existent pas. Pour notre part, nous confirmons que de très nombreux internautes ont découvert sur leur facture de téléphone des appels de plusieurs dizaines d’euros après avoir composé un numéro en 118. Parmi eux, beaucoup pensaient entrer en contact directement avec le service client d’une grande enseigne ou d’une administration. D’ailleurs, si Google a décidé de suspendre les comptes Google Ads de ces sociétés, c’est justement parce que certaines de leurs annonces posaient problème. Tant mieux si ces sociétés sont prêtes à employer des méthodes plus transparentes pour trouver des clients, mais à l’UFC-Que Choisir, on reste dubitatif sur le fait que des internautes acceptent, en toute connaissance de cause, de passer par ces services de renseignements payants plutôt que d’appeler directement un service client par le biais d’un numéro non surtaxé. À en croire les numéros en 118, ces « dépensiers » seraient à la recherche d’« un peu d’humanité ». À 2,99 € l’appel puis 2,99 € la minute, y compris après la mise en relation, ça fait cher l’humanité.