Élisabeth Chesnais
Publicité sur la neutralité carboneUn décret qui encadre sans interdire
Le décret qui encadre la publicité sur les revendications de neutralité carbone est entré en vigueur ce 1er janvier. S’il ambitionne de mettre fin au greenwashing omniprésent, l’allégation de neutralité reste possible sous conditions. Rien n’est gagné.
Notre enquête du printemps dernier titrée « Neutralité carbone, le greenwashing tourne à plein » démontrait que les multinationales et les grandes marques n’hésitent pas à s’afficher neutres en carbone tout en continuant à émettre autant de gaz à effet de serre. Leur recette ? Investir dans la préservation des forêts et les plantations à l’autre bout du monde à très bas coût pour compenser leurs émissions responsables du réchauffement climatique, sans les réduire le moins du monde.
La Convention citoyenne sur le climat ayant identifié ces effets d’aubaine intolérables, elle réclamait l’interdiction pure et simple des publicités affirmant qu’un bien ou un service est neutre en carbone. Dans un avis de mars 2021, l’Agence de la transition écologique (Ademe) était sur la même ligne. Elle épinglait tous ceux qui « privilégient le financement de projets de compensation peu onéreux afin de communiquer sur une neutralité carbone arithmétique plutôt que d’investir dans un réel programme de décarbonation de leurs activités ». Elle ajoutait que cette neutralité carbone n’avait pas de sens au niveau des entreprises ou des citoyens.
Pourtant, le décret issu de la loi Climat qui encadre la publicité sur la neutralité carbone est entré en vigueur ce 1er janvier et il n’interdit rien. Il impose en revanche de fournir les preuves de ce que les annonceurs avancent et les critères retenus sont jugés très contraignants par les professionnels de la publicité.
« SUV neutre en carbone »
César Dugast, expert climat chez Carbone 4, un cabinet de conseil en stratégie bas carbone, est d’un tout autre avis. « Le décret fixe des critères chronophages mais pas insurmontables, il va rester possible d’affirmer qu’un baril de pétrole, 1 m3 de gaz, un SUV ou un vol long-courrier est neutre en carbone », déplore-t-il. Le calcul des émissions d’un produit, l’engagement sur leur réduction, aussi minime que possible, la compensation des émissions par l’achat de crédits carbone très bon marché, 1 € la tonne de CO2 par exemple, tout cela est en effet à la portée des annonceurs. Et ce n’est pas l’amende de 100 000 € prévue en cas d’infraction qui risque de décourager des compagnies aériennes ou des multinationales. La possibilité de l’augmenter jusqu’au montant des dépenses consacrées à la publicité pourrait s’avérer plus pénalisante, à condition toutefois qu’il y ait des contrôles.
Faute de l’interdiction que demandait la Convention citoyenne sur le climat et qui s’imposait au vu de l’étude de l’Ademe, les allégations trompeuses risquent de perdurer.