Elsa Abdoun
Les enfants toujours plus exposés
Happy Meal McDonald’s, Nutella, Kinder Bueno… Voici les produits qui ont fait l’objet des plus gros investissements en publicité, en France, en 2018. Et enfants et adolescents sont particulièrement exposés à ce marketing de la malbouffe, déplore Santé publique France.
Plus de la moitié des publicités pour des produits alimentaires vues par les enfants et adolescents à la télévision glorifient la malbouffe. Voici une des conclusions les plus frappantes d’une récente étude menée par Santé publique France, qui conforte celles obtenues par l’UFC-Que Choisir en 2006, 2007 et 2010.
Pour y arriver, l’agence française de santé publique a notamment récupéré des données Médiamétrie, détaillant la consommation de télévision de 5 000 foyers pendant l’année 2018, puis calculé le Nutri-Score (note de la qualité nutritionnelle, allant de A à E) des aliments mis en valeur dans chaque annonce regardée. Résultat : 53,3 % des publicités alimentaires vues par les enfants de 4 à 12 ans poussaient à l’achat d’aliments au Nutri-Score D ou E, ainsi que 52,5 % de celles vues par les 13-17 ans. Des spots commandés en premier lieu par les chaînes de fast-food et les fabricants de chocolats et de boissons sucrées.
Et ce n’est pas tout : comme l’UFC-Que Choisir auparavant, l’agence observe que ce pourcentage ne fait qu’empirer avec les années. La part de la malbouffe dans les publicités alimentaires vues par les adolescents à la télévision a ainsi augmenté de près de 6,5 % depuis 2015, et de 10 % pour celles vues par les 4-12 ans.
Santé publique France rappelle pourtant qu’il existe « un large consensus sur […] la causalité, entre le marketing alimentaire, le surpoids et l’obésité ». Et appelle donc à « une restriction du marketing alimentaire pour les produits de faible qualité nutritionnelle, notamment à la télévision, aux heures où l’audience des enfants et des adolescents est élevée. »
Il faut dire que l’encadrement de ces publicités est, en l’état, extrêmement limité. Mis à part la loi imposant des messages sanitaires du type « pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé », on peut citer celle du 20 décembre 2016 supprimant la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique. Mais cette dernière s’avère une protection bien maigre car, comme le révèle l’étude de Santé publique France, ces programmes représentent moins de 1 % du temps de télévision regardé par les enfants et adolescents.
Santé publique France est loin d’être la première à préconiser un plus strict encadrement de la publicité alimentaire destinée aux plus jeunes. Avant elle, l’Inspection générale des affaires sociales, le Haut Conseil de la santé publique, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’Unicef, l’OMS, la Cour des comptes et plusieurs associations telles que l’UFC-Que Choisir ont milité dans ce sens.
Amendement d’Olivier Véran rejeté
Pourtant, rien ne bouge. Le projet de loi sur l’audiovisuel, présenté en décembre 2019 (et finalement abandonné mi-juin), ne prévoyait toujours pas d’encadrer plus sévèrement les spots publicitaires vantant des aliments de mauvaise qualité nutritionnelle à destination des enfants et des adolescents. Même l’amendement déposé en 2019 par l’actuel ministre de la Santé Olivier Véran, alors député de l’Isère, d’afficher systématiquement le Nutri-Score dans les publicités alimentaires, avait finalement été rejeté au Sénat. Quant à la nouvelle stratégie de la Commission européenne en matière d’agriculture et d’alimentation, dévoilée récemment, elle compte encore une fois, pour régler ce problème, sur une chimérique capacité d’autorégulation des industriels.
Il n’est décidément pas simple de s’attaquer à l’industrie agroalimentaire, premier secteur industriel français et source de plus d’un demi-milliard d’euros de recettes de publicité pour la télévision.
Et Internet ?
Les résultats de la dernière étude de Santé publique France le montrent bien, enfants et adolescents délaissent de plus en plus la télévision au profit d’Internet. Les 4 à 12 ans passent à présent 53 minutes par jour sur les réseaux sociaux et autres sites Web, contre 1 h 59 pour les 13-17 ans. Il n’est donc pas étonnant de constater que l’industrie agroalimentaire y consacre une part toujours plus importante de son budget publicité (au moins 22 % en 2018). Et si Santé publique France n’a pas pu déterminer le type d’annonces auxquelles les enfants sont exposées en ligne, elle suspecte qu’Internet contribue, aux côtés de la télévision, à une exposition « massive aux publicités pour les produits gras, sucrés, salés ». L’agence conclut donc que, sur ce média, un « encadrement apparaît tout aussi nécessaire ».