Florence Humbert
La transparence à la trappe
Après plusieurs mois de lobbying auprès du gouvernement, les dentistes ont gagné la partie. Le Sénat vient de supprimer l’obligation qui leur était faite de fournir des devis détaillés sur les prothèses dentaires.
Dans le cadre du projet de loi Fourcade visant à modifier, rectifier, et compléter la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), le Sénat a voté, le 9 mars dernier, un amendement à l’article L. 1111-3 du code de la santé publique qui obligeait les praticiens à informer les patients sur les prix d’achat de leurs prothèses dentaires. Ainsi modifié, l’article ne fait plus référence au « prix d’achat » des dispositifs médicaux mais à leur « prix de vente ». En dépit des apparences, cela change tout. Car les deux termes ne sont pas synonymes. Le prix d’achat est le montant facturé par le prothésiste au chirurgien-dentiste pour la fabrication de la prothèse. Alors que le prix de vente, lui, est laissé à la libre appréciation du praticien. Dans ces conditions, le patient ne peut pas connaître la marge pratiquée par son dentiste et faire des comparaisons.
La décision du Sénat met donc fin à plusieurs mois de suspense au cours desquels les chirurgiens-dentistes n’ont pas ménagé leurs efforts pour obtenir l’abrogation de cette disposition qu’ils jugeaient inapplicable (et refusaient d’appliquer). Et pour cause. À l’heure de la mondialisation, la profession n’a aucun intérêt à pratiquer la transparence. Un rapport de la Cour des comptes du 10 septembre 2010 indiquait clairement que le « développement des importations de prothèses dentaires induit un phénomène de rente profitant de manière très inégale aux professionnels concernés ».
À 14 mois de l’élection présidentielle et dans un contexte électoral difficile pour le gouvernement sortant, il semble que les voix des 40 000 dentistes français comptent davantage que l’information de centaines de milliers de patients.