Erwan Seznec
Produits financiersDangereux
Les deux principales autorités financières appellent à la plus grande prudence dans la vente de produits financiers assis sur des indicateurs trop compliqués pour le grand public.
La démarche est assez inhabituelle. L’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP, vigie des assurances adossée à la banque de France) viennent de publier un communiqué commun appelant le grand public à faire preuve d’une extrême vigilance dans l’achat de produit financiers complexes. Les rendements des placements classiques étant assez bas en ce moment, la sophistication a le vent en poupe. Elle permet aux banquiers, assureurs ou courtiers, de mettre en avant des investissements avec promesses de gains à 4 ou 5 ans relativement élevés et quasiment garantis, sauf si… C’est à ce stade que l’affaire se corse, car la condition qui peut faire basculer le « placement de bon père de famille » type OPCVM 1 dans la catégorie des actifs à haut risque est en général totalement incompréhensible.
Exemple donné par le communiqué : des assurances-vie dont l’unité de compte montera ou baissera en fonction de la « performance moyenne trimestrielle sur 5 ans d’un indice de stratégie qui surpondère les 20 valeurs du CAC 40 ayant le plus performé sur le mois passé et sous-pondère les 20 actions ayant le moins performé ». Autre exemple, une obligation assortie d’un coupon évoluant selon cette règle : « Chaque année, si le taux CMS 10 ans est supérieur au taux CMS 2 ans de moins de 20 bp, et que le CAC 40 est en baisse, la performance finale est diminuée d’un montant de 1 % » !
Les clauses de ce type seraient légitimes dans des échanges entre professionnels, mais elles n’ont absolument pas leur place dans des produits grand public. Ce n’est pas tant la capacité de l’acheteur particulier qui pose problème que celle du vendeur. À partir du moment où le placement dépend de l’évolution de trois, quatre ou cinq paramètres très techniques, les commerciaux des banques ou des assureurs se retrouvent dans l’impossibilité de « respecter leurs obligations professionnelles » en matière de conseil, relèvent les deux autorités. L’ACP prévient les organismes d’assurance : désormais, c’est à eux de « recueillir par tout moyen approprié », « la preuve que le souscripteur comprend la nature du support proposé ».
Les deux autorités n’ayant pas de réel pouvoir d’interdiction, leur communiqué n’arrêtera pas à lui seul la vente de produits trop complexes. Sa publication reste néanmoins importante dans la perspective de recours contre les banques ou les sociétés d’assurances. Si jamais les scénarios catastrophes décrit en termes abscons se réalisent et font plonger les rendements, celles-ci devront démontrer qu’elles ont fait correctement leur travail et que leurs explications étaient claires. Bon courage.
1. Organisme de placement collectif en valeur mobilière, formule d’investissement très courante pour les particuliers, existant sous de nombreuses variantes.