Florence Humbert
Produits de rasageInterdiction du triclosan
Le triclosan, un ingrédient antibactérien suspecté d’agir en perturbateur endocrinien, sera banni de tous les nouveaux produits de rasage à partir du 30 octobre prochain. Mais les anciens produits pourront rester en vente jusqu’au 30 juillet 2015.
Messieurs, un conseil : traquez le triclosan dans la liste d’ingrédients de vos mousses à raser et autres baumes après-rasage. Et surtout, n’hésitez pas à abandonner définitivement ceux qui en contiennent ! En effet, la Commission européenne vient de juger cette substance suffisamment dangereuse pour l’interdire dans tous les produits de rasage à partir du 30 octobre 2014. Les fabricants ne pourront donc plus mettre sur le marché de nouveaux produits contenant ce biocide (substance tuant les micro-organismes). Mais les anciens produits pourront rester en vente jusqu'au 30 juillet 2015. Durant ce laps de temps, les consommateurs continueront donc à pouvoir acheter des produits de rasage contenant ce composant toxique !
Après avoir été utilisé pendant plus de trente ans, apparemment sans problème, dans d’innombrables produits antibactériens et cosmétiques, notamment des savons assainissants, des dentifrices et des déodorants, le triclosan est aujourd’hui mis en cause par de nombreux travaux scientifiques. Il est notamment suspecté d’agir comme un perturbateur endocrinien, au même titre que les parabènes, les phtalates ou le bisphénol A. En interférant avec le fonctionnement du système hormonal, il favoriserait le développement de certains cancers, de malformations congénitales, altérerait la fertilité humaine, etc. Les effets néfastes de ce composant ne se limitent pas aux risques de dérégulation de notre système hormonal. En 2012, une étude américaine menée sur des souris et des petits poissons a montré qu’il altérait aussi la fonction musculaire, en particulier celle du muscle cardiaque. Et surtout, comme tous les biocides, le triclosan favoriserait le développement de bactéries résistantes, selon le même processus que la résistance aux antibiotiques.
Enfin, cerise sur le gâteau, le triclosan a la capacité de traverser la barrière cutanée et les muqueuses. Une étude sanitaire réalisée entre 2003 et 2004 aux États-Unis a ainsi décelé sa présence dans 75 % des échantillons d’urine analysés.
En raison de son utilisation généralisée, et de sa grande stabilité, le triclosan se retrouve tout naturellement dans les eaux usées. Même si une partie se dégrade, près de la moitié finit dans les boues des stations d’épuration et peut ainsi se retrouver dans l’environnement, si ces boues sont utilisées comme engrais.
Tout cela a conduit la Commission européenne à demander en 2009 au Comité scientifique des produits de consommation (CSPC), devenu aujourd'hui le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC), de réévaluer ce produit. C'est donc sur la base des différents avis rendus par ses experts que la Commission a entériné la nouvelle réglementation du triclosan, dans le cadre du règlement cosmétique (no 358/2014) publié en avril dernier. Même si la Commission reconnaît que « le maintien de la restriction de l'utilisation du triclosan à son niveau actuel pourrait représenter un risque pour la santé humaine », les nouvelles dispositions restent cependant très tolérantes à l’égard du biocide (voir encadré ci-dessous). La principale interdiction concerne l’utilisation du triclosan dans les produits de rasage où son rôle était de prévenir les proliférations bactériennes secondaires aux éventuelles microcoupures causées par la lame du rasoir. Microcoupures qui facilitent aussi la pénétration de la substance à risque dans l'organisme. Aux États-Unis, des mesures plus radicales ont été prises. L’Agence américaine des produits alimentaires et pharmaceutiques (FDA) ayant conclu que les savons antibactériens ne sont pas plus efficaces pour prévenir les maladies que les savons classiques, le Minnesota vient par exemple de décider d’interdire le triclosan dans la plupart des produits d’hygiène. Et d’autres États seraient prêts à faire de même.
Triclosan : les cosmétiques qui peuvent encore en contenir
Le triclosan peut encore se retrouver dans certaines catégories de cosmétiques, à savoir :
les dentifrices ;
les savons pour les mains ;
les savons pour le corps et gels de douche ;
les déodorants (autres que sous forme de spray) ;
les poudres pour le visage ;
les fonds de teint ;
les produits pour les ongles destinés au nettoyage des ongles des mains et des pieds avant l'application de préparations pour ongles artificiels.
Dans ces produits, la concentration maximale autorisée dans le produit fini a été fixée à 0,3 %. Le triclosan est également autorisé dans les bains de bouche, mais à une concentration maximale de seulement 0,2 %.
Reste que certains fabricants, sentant le vent tourner, ont déjà pris les devants et supprimé le triclosan de leurs formulations. Sur les 66 produits cosmétiques analysés dans le cadre de notre étude sur les perturbateurs endocriniens, le triclosan n’a été retrouvé que dans un dentifrice (Colgate total) et un stick déodorant (Bionsen).