Arnaud de Blauwe
Produits d’entretien et d’hygièneUne amende de près d’un milliard !
Les faits visés remontent à la période 2003-2006. L’Autorité de la concurrence a sanctionné deux ententes concernant les marchés des produits d’entretien et des produits d’hygiène. L’amende totale s’élève à près d’un milliard d’euros. La plupart des multinationales qui dominent ces secteurs (Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Procter et Gamble, l’Oréal…) ont été condamnées.
L’Autorité de la concurrence vient d’établir un nouveau record ! En sanctionnant une entente sur le marché des produits d’entretien (produits pour lave-vaisselle, nettoyants ménagers, désodorisants…) à hauteur de 605,9 millions d’euros, elle n’avait jamais frappé aussi fort. La condamnation vise des faits qui se sont déroulés entre 2003 et 2006. Le précédent record remonte à 2005 lorsque le Conseil de la concurrence (devenu depuis Autorité de la concurrence) avait infligé 534 millions d’euros d’amende au cartel des opérateurs de téléphonie mobile.
Mais dans sa décision, un autre marché, très proche de l’entretien, est visé : celui des produits d’hygiène (shampoing, savon, dentifrice…). Là encore, et toujours pour la période 2003-2006, l’Autorité de la concurrence a mis au jour une entente. Montant de la condamnation prononcée : 345,2 millions d’euros. Au total, pour les deux secteurs réunis, l’amende totale approche le milliard d’euros !
Les sanctions visent les poids lourds du marché. Acteurs qui, dans leur grande majorité, sont présents à la fois au rayon entretien et au rayon hygiène. C’est le cas de Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever ou encore Procter et Gamble. D’autres n’ont investi qu’un secteur : par exemple, l’Oréal pour l’hygiène ou SC Johnson pour l’entretien.
Les deux ententes ne portaient toutefois pas directement sur le prix final payé par les consommateurs. Mais elles ont évidemment eu une influence, sans qu’il soit possible d’établir avec précision le « surprix » imposé à ces derniers.
Impossible de sortir ces marques des rayons
Les pratiques révélées par l’Autorité consistaient pour ces multinationales à adopter la même stratégie et à développer les mêmes arguments lors des négociations avec les enseignes de la distribution. Partant de là, le gendarme de la concurrence note qu’un tel système a « modifié au profit des fournisseurs, le déroulement normal des négociations avec les distributeurs (…) et maintenu des prix de vente (…) à un niveau artificiellement élevé ». L’Autorité note d’ailleurs que les grandes surfaces n’étaient pas en mesure de résister, les groupes mis en cause ayant en portefeuille des marques auxquelles les consommateurs sont très attachés. Impossible donc de les sortir des rayons !
L’affaire démarre en février 2006 lorsque des inspecteurs des services de la concurrence font irruption dans une brasserie parisienne où se sont réunis, en toute discrétion, les représentants des différentes sociétés impliquées dans ces ententes. Ils y saisissent ordinateurs portables, notes… Une réunion parmi d’autres, celles-ci se tenant à intervalles réguliers.
Et les limiers de la concurrence n’ont pas débarqué là par hasard ! Ils ont été « tuyautés » par des participants à ces ententes qui ont fini par les dénoncer. D’autres sociétés mouillées dans l’histoire se sont par la suite elles aussi manifestées pour bénéficier de la clémence de l’Autorité de la concurrence, comme la loi le permet. SC Johnson (pour l’entente sur l’entretien) et Colgate-Palmolive (pour l’entente sur l’hygiène) ont par conséquent été « exonérés de sanction à 100 % » pour avoir été les premiers à lever le voile sur ces pratiques douteuses.
La suite s’est déroulée comme une vraie enquête policière avec, entre autres, de multiples perquisitions. C’est d’ailleurs à cause de celles-ci qu’il y a eu un si grand délai (8 ans) entre la révélation des faits et la sanction. Les mis en cause ayant usé de toutes les voies de recours à leur disposition (appel, cassation) pour contester la validité des perquisitions subies.
La très grande majorité des entreprises épinglées ont reconnu les faits. Celles-ci ne peuvent dès lors faire appel (dans le délai d’un mois) que sur le niveau des sanctions infligées. Celles, comme l’Oréal, qui n’ont pas admis les griefs émis pouvant contester la totalité de la décision.
Ce n’est pas la première fois que le marché de l’entretien est épinglé par l’Autorité de la concurrence. En 2011, elle avait révélé l’existence d’un cartel des lessiviers avec, à la clé, une amende de 367,9 millions d’euros. Et dans la liste des multinationales punies, on trouvait plusieurs de celles qui viennent d’être à nouveau condamnées !