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Produits bioTrop souvent ultratransformés !

Le mot bio ne fait pas tout ! De plus en plus de produits bio s’avèrent ultratransformés et dotés d’un mauvais profil nutritionnel. Au risque de perdre leur intérêt pour la santé. Explications.

Une alimentation bio qui se démocratise, enfin à la portée du plus grand nombre… Ce souhait légitime mais pas simple à exaucer est aujourd’hui repris à l’état de slogan par les acteurs de la grande distribution et l’industrie agro-alimentaire. Mais gare à ne pas en dévoyer le sens quand l’éventail de choix en produits bio ne cesse de s’élargir, pas forcément au profit de produits plus sains ! Tandis que fleurissent dans nos rayons les barres chocolatées, fromages en portion et autres purées en flocons estampillés AB, nous sommes en droit de nous demander si la promesse d’« un bio accessible à tous » n’est pas en train de s’éventer au profit d’un bio accessible à tout et n’importe quoi… Et en premier lieu aux produits ultratransformés, un terme qui qualifie les aliments impliquant des procédés industriels sans équivalent domestique, intégrant souvent 5 ingrédients ou plus, dont des ingrédients raffinés ainsi que des additifs ou arômes, non indispensables ou d’usage cosmétique.

La consommation d’aliments ultratransformés grimpe en flèche

Au cours de ces dernières décennies, au gré de l’évolution des habitudes alimentaires, leur consommation a sensiblement augmenté pour contribuer aujourd’hui à plus de la moitié des apports énergétiques dans de nombreux pays occidentaux selon l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Et ce phénomène n’épargne pas le bio, le logo AB étant de plus en plus présent sur des produits industriels aux recettes loin d’être simples ou irréprochables d’un point de vue nutritionnel, ce que concède Pierrick de Ronne, président de Biocoop, réseau de magasins bio présent depuis plus de 30 ans en France : « Foncièrement, le bio ne protège pas du fait de mal manger. La pâte à tartiner même bio n’est pas le meilleur des produits, mais le client en demande. Avant, Biocoop faisait le choix pour le consommateur [en ne proposant pas d’aliments ultratransformés]. Aujourd’hui, nous devons proposer de tout. Mais nous proposons plus de produits transformés qu’ultratransformés. Ces produits ne seront pas notre fonds de commerce, mais on en propose un peu : il faut que les gens s’y retrouvent. »

Et sur ce plan, les forts consommateurs de bio ne semblent pas se distinguer des autres, selon l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren) de Bobigny (93), qui explore les liens entre nos habitudes alimentaires et notre santé. « Lors de nos travaux sur la cohorte BioNutriNet, un groupe de patients volontaires qui réunit 69 000 adultes selon leur fréquence de consommation de bio, nous avons constaté que les plus forts consommateurs de bio avaient dans leur régime un taux de produits ultratransformés équivalent aux autres groupes », explique Mathilde Touvier, responsable de l’Eren.

Trop de produits bio mal notés par les logos nutritionnels

Certes, le cahier des charges bio restreint le nombre d’additifs utilisables dans les produits alimentaires à une petite cinquantaine contre plus de 300 en conventionnel. Mais un rapide tour en grande surface permet de constater que bio et ultratransformé font tout de même la paire pour nombre de produits : des yaourts aux fruits agrémentés d’amidon de maïs et de pectine pour en améliorer la texture et d’arôme naturel pour renforcer la flaveur, de la mayonnaise épaissie et acidifiée à l’aide d’additifs mais également aromatisée, des soupes à la tomate lyophilisées ou encore des gaufres au miel qui contiennent des additifs, du sirop de sucre inverti et du sirop de blé (des sucres à l’index glycémique plus élevé que le saccharose et donc plus vite assimilés, car ils contiennent du glucose libre).

Outre un profil nutritionnel médiocre (un Nutri-Score C ou D), tous ces produits bio sont également ultratransformés et par conséquent classés 4 sur l’échelle Nova (lire encadré). Des études épidémiologiques récentes évoquent un lien possible entre la consommation d’aliments ultratransformés et un risque accru de dyslipidémie, de surpoids, d’hypertension artérielle, de cancer ou encore de symptômes dépressifs. Fin mai 2019, une étude publiée dans le British Medical Journal et menée par des chercheurs de l’Eren (2) sur plus de 100 000 sujets du groupe d’étude NutriNet a montré qu’une augmentation de 10 % de la part d’aliments ultratransformés dans le régime alimentaire (par exemple, en comparant deux individus consommant respectivement 15 % et 25 % de leurs aliments sous forme ultratransformée) était associée à une augmentation de 12 % du risque global de développer des maladies cardiovasculaires (soit, dans le détail, 13 % pour les maladies coronariennes et 11 % pour les maladies cérébro-vasculaires).

Côté santé, le mélange des genres est problématique

D’un côté, un régime riche en aliments bio semble avoir un effet bénéfique pour la santé, notamment vis-à-vis de certains types de cancer, mais de l’autre, des études montrent un lien tangible entre aliments ultratransformés et de nombreuses pathologies. Dès lors, comment faire la part des choses quand bio rime avec ultratransformé ?

Le sujet est complexe car ces études ne sont pas directement comparables entre elles. De plus, les travaux établissant un lien positif entre un régime riche en aliments bio et la santé n’ont pas, pour l’heure, investigué ce lien « aliment par aliment » mais pour un régime global qui contient donc des produits sains (fruits et légumes, légumineuses...) et d’autres suspectés de ne pas l’être, comme les aliments ultratransformés, notamment trop gras, salés ou sucrés.

De même, alors que la famille des aliments ultratransformés est vaste, les études épidémiologiques sur leur impact sanitaire ne détaillent pas la responsabilité relative des différents facteurs possibles (procédés industriels, emplois d’additifs, présence de composés indésirables néoformés ou provenant des emballages et autres matériaux de contact, mauvais profil nutritionnel…).

Pour l’heure, les chercheurs vont donc devoir affiner dans un cas comme dans l’autre leur champ d’étude. Ce qui n’empêche pas l’État d’émettre des recommandations. Santé publique France invite ainsi à consommer au moins 20 % de produits bio, tandis que le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) souhaite réduire de 20 % la consommation d’aliments ultratransformés en France d’ici 2022. Mieux vaut donc privilégier les aliments bio et bruts, ou le moins transformés possible !

Qu’est-ce que la classification Nova ?

Outil créé par des chercheurs de l’université de Sao Paulo au Brésil en 2009, la classification Nova permet de catégoriser les aliments selon 4 groupes, en fonction de leur degré de transformation :

  • Groupe 1 : aliments peu ou pas transformés
  • Groupe 2 : ingrédients culinaires
  • Groupe 3 : aliments transformés
  • Groupe 4 : aliments ultratransformés

Le groupe des aliments ultratransformés comprend les aliments qui ont subi un haut degré de transformation par des procédés industriels (hydrogénation, hydrolyse, extrusion, prétraitement par friture) ou auxquels sont ajoutées des substances qui ne sont pas à disposition des consommateurs dans les commerces alimentaires, comme des huiles hydrogénées, des amidons modifiés, des additifs (colorants, émulsifiants, texturants, édulcorants…). Ainsi les viandes rouges ou blanches, uniquement salées, sont considérées comme des aliments transformés (Nova 3) tandis que d’autres préparations comme les viandes fumées ou certaines charcuteries (saucisses ou jambon avec des nitrites) sont classées comme ultratransformées (Nova 4). De même, les soupes liquides préparées uniquement avec des légumes, des herbes et des épices sont généralement considérées comme des aliments transformés alors que les soupes déshydratées sont classées comme aliments ultratransformés.

Quelques produits bio ultratransformés selon la classification Nova.

(1) https://bionutrinet.etude-nutrinet-sante.fr/
(2) https://www.bmj.com/content/365/bmj.l1451

Marie-Noëlle Delaby

Marie-Noëlle Delaby

Cécile Lelasseux

Cécile Lelasseux

Rédactrice technique

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