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Procès du MediatorL’indignation d’un docteur trompé par Servier

Le tribunal a entendu le Dr Anne Colobert qui, après avoir été rassurée par les laboratoires Servier sur la sécurité du Mediator, a continué à en prescrire.

Beaucoup de témoins, au procès Mediator, ont oublié des événements qui remontent parfois à 20 ans. Pour le Dr Anne Colobert, chef de service d’endocrinologie à l’hôpital de Saint-Brieuc (22), le temps n’a pas effacé l’indignation et la stupeur qui l’ont saisie quand le Mediator (benfluorex) a été retiré du marché, en 2009 : « Je me suis sentie trompée, ça a fait l’effet d’une bombe. Les laboratoires Servier s’étaient vraiment foutus de nous. »

Quelque temps plus tôt, le Dr Colobert les avait contactés afin d’en savoir plus sur les effets indésirables du Mediator. « J’avais prescrit le médicament à une patiente en 2002. En 2007, elle avait déclaré une hypertension artérielle pulmonaire gravissime (HTAP), je l’avais adressée pour cette raison à Irène Frachon, à Brest. En retour, la pneumologue m’avait alertée sur un lien possible avec le médicament. J’ai donc interrompu la prescription et demandé à Servier des données sur le risque d’HTAP. » Une première réponse arrive en mars 2009. À côté de la plaque, puisqu’elle ne mentionne que l’insuffisance rénale. Le Dr Colobert insiste et se fend d’un second courrier. Cette fois, la réponse est plus claire. « Elle évoquait une alerte, mais qualifiée de non significative. Ce 2e courrier innocentait complètement la molécule à mes yeux. Je me suis dit que le cas de ma patiente, c’était la faute à pas de chance. J’ai fait confiance. » Son émotion et son désarroi sont palpables quand elle déclare « témoigner en tant que prescripteur qui a mis en danger la vie de ses patients par défaut d’information, ce qui, pour un médecin, est intolérable ». La patiente à qui elle avait prescrit du Mediator en 2002 est décédée des suites d’une HTAP le 12 novembre 2009, deux semaines avant le retrait du médicament du marché.

« Une tromperie de plus »

« Quand vous recevez ce second courrier, pouvez-vous imaginer que la base nationale de pharmacovigilance répertorie déjà 17 cas d’HTAP ? », demande Me Charles Joseph-Oudin, avocat de victimes. « Non, sinon j’aurais immédiatement arrêté de prescrire du Mediator. » L’avocat de l’assurance maladie, Me Georges Holleaux, relève : « Le second courrier comporte le compte-rendu de la Commission nationale de pharmacovigilance de 2005 et non celui de 2007, comme c’est annoncé, vous le saviez ? » « Non, je l’apprends aujourd’hui, il s’agit d’une tromperie de plus », réalise le Dr Colobert.

Dans la foulée de son témoignage, Sylvie Daunis, la présidente du tribunal, rappelle à la barre Jean-Philippe Seta et Emmanuel Canet, poursuivis dans le cadre de leurs responsabilités de l’époque chez Servier. « Nous avons sous-estimé le risque d’HTAP, nous étions rassurés, donc nous avons aussi rassuré les prescripteurs », réagit Jean-Philippe Seta, numéro 2 des laboratoires Servier jusqu’en 2013. « Début 2009, l’étude Regulate destinée à réévaluer le Mediator était déjà bien avancée, mais nous n’avions pas encore les résultats des données de sécurité », se défend Emmanuel Canet.

Anne-Sophie Stamane

Anne-Sophie Stamane

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