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Procès du MediatorCondamné lourdement en appel, Servier se pourvoit en cassation

En appel, les laboratoires Servier ont été condamnés à rembourser 415 millions d’euros à l’assurance maladie et aux complémentaires santé. Ils ont annoncé se pourvoir en cassation.

La réaction des laboratoires Servier n’aura pas traîné. Frappés au porte-monnaie par le jugement en appel rendu mercredi dans l’affaire Mediator, ils ont aussitôt indiqué se pourvoir en cassation. C’est que cette fois, en plus de confirmer leur condamnation pour tromperie aggravée, blessures et homicides involontaires, les juges ont estimé constituée l’infraction d’escroquerie à l’endroit de l’assurance maladie et des complémentaires santé. L’autorisation de mise sur le marché (AMM) et, partant, la prise en charge du Mediator, ayant été obtenue sur la base d’informations de sécurité délibérément tronquées, elle a entraîné des dépenses indues, qu’il faut rembourser. La facture est salée : Servier doit sortir 415 millions d’euros. De loin la somme la plus élevée prévue par la décision : l’amende infligée pour tromperie aggravée, blessures involontaires et homicides involontaires est plus lourde que celle fixée à l’issue du 1er procès, mais elle plafonne à 9 millions d’euros, quand le parquet avait requis 13,5 millions d’euros. Le jugement ne prévoit pas non plus la confiscation des 182 millions d’euros de bénéfices du Mediator, car elle compromettrait l’avenir de l’entreprise.

Valvulopathies cardiaques gravissimes

Le Mediator (benfluorex) avait été retiré du marché en 2009, après plus de 30 ans de commercialisation, en raison des hypertensions artérielles pulmonaires (HTAP), et surtout des valvulopathies cardiaques gravissimes qu’il a généré chez une bonne part des personnes traitées. Des complications mises au jour grâce à la pneumologue brestoise Irène Frachon, sans qui le médicament serait peut-être encore disponible.

Piètre antidiabétique essentiellement prescrit comme coupe-faim, le Mediator se dégradait dans l’organisme en norfenfluramine, un métabolite toxique, tout comme l’Isoméride ou le Pondéral, sortis pour cette raison du marché dans les années 1990. Le Mediator en a réchappé à l’époque, grâce aux stratégies d’influence des laboratoires Servier et aux manquements coupables de l’autorité de régulation, l’Afssaps à ce moment-là. Celle-ci a été condamnée en 1re instance et n’avait pas fait appel.

Avec le pourvoi en cassation, le feuilleton judiciaire du Mediator est loin d’être terminé. D’autant qu’un second procès pénal est d’ores et déjà annoncé, de nouvelles victimes s’étant signalées auprès du pôle santé du tribunal judiciaire de Paris.

Action au civil : une voie supplémentaire s’ouvre pour les victimes

Dans l’ombre de la condamnation confirmée en appel des laboratoires Servier dans le volet pénal de l’affaire Mediator, les procédures civiles entamées par les victimes se poursuivent. Avec quatre décisions rendues ces dernières semaines, la Cour de cassation a redonné espoir à plusieurs d’entre elles en annulant un arrêt de la cour d’appel de Versailles qui les empêchait de s’appuyer sur un levier juridique ‒ celui de la responsabilité pour faute du fabricant ‒ pour contourner l’obstacle de la prescription qui se dressait sur le chemin de leur action en réparation.

Les victimes avaient déjà vu leurs séquelles reconnues par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), ainsi que le lien de causalité entre le médicament et la dégradation de leur état de santé. L’essentiel était donc acquis. Mais elles se heurtaient à une difficulté liée au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux, celui qui s’applique classiquement aux effets indésirables des médicaments : dans ce cadre, la prescription est de 3 ans. En l’occurrence, le délai était dépassé. Raison pour laquelle elles avaient invoqué le régime de la responsabilité pour faute du fabricant, qui a l’avantage de ménager un délai de prescription de 10 ans. La cour d’appel de Versailles leur a donné tort en 2022, mais la Cour de cassation vient de confirmer qu’elles avaient bel et bien la possibilité d’agir selon ce fondement alternatif.

Son arrêt renvoie les victimes et les laboratoires Servier là où ils en étaient avant le pourvoi en cassation, c’est-à-dire devant la cour d’appel de Paris. Il faudra, pour aboutir, prouver la faute du fabricant. Une mission loin d’être impossible : toutes les décisions de justice qui s’accumulent depuis le déclenchement du scandale tendent à établir que Servier avait une connaissance claire de la toxicité de son produit depuis de longues années, à tout le moins depuis le milieu des années 1990. Et qu’il l’a maintenu sur le marché malgré des données de sécurité qui auraient dû l’en dissuader.

Anne-Sophie Stamane

Anne-Sophie Stamane

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