Cyril Brosset
Procès de la SFAMLe système dévoilé au grand jour
Après l’étude d’une demande de renvoi formulée par les avocats de la défense (finalement rejetée), le procès de 6 sociétés de la galaxie SFAM et de son patron Sadri Fegaier s’est poursuivi avec une plongée dans les méandres de l’entreprise.
Un système « tentaculaire », « opaque », « peu efficace », conçu pour « perdre le client »… Qu’il s’agisse des agents de la Répression des fraudes ou d’anciens salariés, tous, à la barre, décrivent une organisation complexe pensée pour limiter les résiliations et les remboursements. « Une demande classique devait être transmise au service commercial, mais une demande plus virulente partait au service “Solution”. Quant à celles qui mentionnaient une association de consommateurs ou la Répression des fraudes, elles étaient transférées au service juridique », se souviennent deux anciennes superviseuses du centre d’appels de Roanne, citées comme témoins par l’UFC-Que Choisir, qui s’est constituée partie civile dans cette affaire. Au sein des locaux de la SFAM se cachaient de nombreux services indépendants les uns des autres, mais tous, à un niveau ou un autre, en charge des réclamations. « Les téléopérateurs ne savaient jamais qui prenait en charge un dossier ni quelles suites lui étaient données. Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait un problème quand les gens ont commencé à nous dire qu’ils faisaient toujours l’objet de prélèvements alors qu’ils avaient reçu un courriel confirmant la résiliation. L’ennui, c’est que nous n’avions accès à aucun historique et que notre seul moyen d’action était de relancer le processus. Je n’ai vu cela dans aucune autre société pour laquelle j’ai travaillé auparavant », assure l’une d’entre elles.
Tromper les clients
Les livrets et supports de formation saisis par les agents de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) lors de leur perquisition au siège de la SFAM tendent à confirmer que tout était fait pour tromper les clients. « Les téléopérateurs devaient tenir un discours qui n’avait rien à voir avec la réalité. Ainsi, ils étaient tenus de rassurer un client qui appelait pour la première fois, mais de ne pas prendre en compte sa demande. Au deuxième appel, ils étaient tenus de lui dire qu’elle avait bien été traitée, alors que ce n’était pas le cas. Ce n’est qu’au troisième appel qu’une suite était censée être donnée. Et encore, ce n’était pas toujours cas. »
Nicolas Zeimetz, alors responsable CFDT à la SFAM, a vu passer ces documents et monter la grogne. « À partir de 2021, les réclamations se sont multipliées et les clients devenaient de plus en plus virulents. Certains salariés ont très mal vécu le fait de se faire insulter ou d’entendre des personnes âgées leur dire qu’à cause de la SFAM, elles ne pourraient pas offrir de cadeaux à leurs petits-enfants pour Noël », se souvient-il. Le représentant du personnel assure avoir fait remonter ces informations à de nombreuses reprises à son patron, Sadri Fegaier. « Il me disait que des dispositions allaient être prises, mais rien ne se passait jamais. Dans le même temps, il ne cessait d’afficher devant les salariés un taux de satisfaction de 98 %, très éloigné de ce que l’on vivait sur le terrain et des chiffres que je pouvais voir en tant que chargé de mission qualité. »
Le procès doit durer jusqu’au 2 octobre.
Une rocambolesque opération de dissimulation
Outre les pratiques commerciales trompeuses, Sadri Fegaier est poursuivi pour obstacle à fonctions. Les agents de la DGCCRF l’accusent d’une part de leur avoir transmis des listings caviardés ainsi que des documents créés de toutes pièces à leur intention. Ils le soupçonnent surtout d’avoir dissimulé un certain nombre de pièces dont ils avaient réclamé la transmission. « Nous avons demandé à accéder à des documents appartenant à une salariée. On nous a répondu que cette personne ne faisait pas et n’avait jamais fait partie de la société. » Sauf que, quelques jours après la perquisition, alertés par un article du journal local Le Dauphiné, les agents mettent la main, dans un local d’archivage à l’écart de l’entreprise, sur une palette contenant des cartons au nom de la fameuse salariée. Les enquêteurs soupçonnent des employés d’avoir profité d’une opération d’archivage prévue de longue date pour mettre ces cartons hors de leur vue. Le tribunal devra aussi se prononcer sur ces faits.