Erwan Seznec
Prêts immobiliers en devisesAxa Bank Europe mise en examen
Axa Bank Europe, filiale du groupe Axa, a été mise en examen il y a peu pour avoir commercialisé en France des prêts à taux variables multidevises. Les faits remontent pourtant à une trentaine d’années.
C’était il y a quelques mois mais l’information est passée pratiquement inaperçue. En juin 2013, Axa Bank Europe, filiale du groupe Axa, a été mise en examen par la juge d’instruction Christine Mary, pour recel aggravé des produits des délits d'exercice illégal de la profession de banquier, d'escroquerie, de faux en écriture publique et d'usage de faux commis en France et en Belgique.
Des motifs graves, mais pour une affaire très ancienne qui, à l’origine, ne concerne pas Axa. L’assureur a en fait racheté en 1999 une banque belge, l’Hypothécaire anversoise, ou Anhyp. À partir de 1984, cette dernière a commercialisé en France des prêts à taux variables multidevises, en partenariat avec un cabinet de courtage appelé Luce BCIF. Il s’agissait le plus souvent de prêts immobiliers, pour lesquels les emprunteurs étaient supposés bénéficier des effets positifs des taux de change. L’affaire a très mal tourné, provoquant des plaintes, l’ouverture d’enquêtes en Belgique et en France dans les années 1990, avec à la clé la mise en examen du patron de l’Anhyp et celle d’un notaire francilien. Le dossier judiciaire a connu un cheminement tortueux entre les deux pays, sans jamais aboutir.
Coïncidence, son dernier rebondissement intervient juste au moment où le législateur français a décidé d’interdire la souscription de prêts immobiliers en devise étrangère à l’Union européenne remboursables en monnaie nationale. Cette décision a été prise à la suite d’un scandale nettement plus récent qui ressemble à celui de l’Anhyp, l’affaire Helvet Immo, du nom de ces prêts en francs suisses vendus à des milliers de particuliers par la BNP entre 2008 et 2009.
Intervenant près de 30 ans après les faits, la péripétie d’août 2013 constitue à cet égard un signal ambigu. Par le jeu – tout à fait légitime – des appels et des pourvois en cassation, une banque qui prend des risques et en fait prendre à ses clients, à l’image de la BNP avec Helvet Immo, sait d’avance qu’elle n’encoure pas de condamnation définitive avant une dizaine d’années. Dans la finance, rares sont les cadres qui restent au même poste aussi longtemps. Quel signal leur envoie une enquête encore en cours au bout d’un quart de siècle, si ce n’est celui d’une forme d’impunité ?