Élisa Oudin
Prêts en francs suisses Helvet ImmoCondamnation confirmée en appel pour une filiale de BNP Paribas
Alors que ce type de prêt est désormais interdit par la loi – grâce, notamment, aux actions menées par l’UFC Que-Choisir – les juges condamnent une nouvelle fois BNP Paribas Personal Finance pour avoir vendu à la fin des années 2000 des prêts en francs suisses sans informer correctement les consommateurs des risques qu’ils encouraient.
Le déséquilibre des forces… et des connaissances, entre les banquiers et les consommateurs, s’est amplifié depuis plusieurs décennies, avec la complexification des produits d’épargne (assurance vie en unités de compte, produits structurés, fonds à formule, etc.). Les nombreuses plaintes des consommateurs, essayant de faire sanctionner le défaut d’information et de conseil ou les pratiques trompeuses de leurs bien mal nommés « conseillers » bancaires, en témoignent. C’est en tout cas ce déséquilibre, et l’exploitation qu’en a faite BNP Paribas Personal Finance, qu’ont durement sanctionnés le tribunal judiciaire de Paris en février 2020, puis la cour d’appel de Paris ce mardi 28 novembre. La filiale du groupe BNP, BNP Paribas Personal Finance, s’est vu confirmer l’amende maximale de 187 500 €. En outre, BNP Paribas Personal Finance a été condamné au paiement de 200 millions d’euros de dommages et intérêts pour avoir trompé les consommateurs sur les caractéristiques essentielles des prêts immobiliers Helvet Immo. Ces prêts, commercialisés en 2008 et 2009, étaient souscrits en francs suisses et remboursables en euros. Mais ce que les conseillers n’ont pas expliqué à leurs clients, c’est tout ce que savait le groupe BNP sur l’évolution de l’euro face au franc suisse ! À savoir le risque extrêmement élevé d’effondrement de l’euro face à la monnaie helvétique, dans la foulée de la crise des subprimes et des dettes souveraines… Des documents que nous avons publiés dès 2015 montrent très clairement que la banque pensait plus que probable que ce risque se réalise. Au final, c’est bien cette situation qui s’est produite… entraînant une explosion des intérêts de remboursement des souscripteurs des prêts Helvet Immo. Une majorité d’emprunteurs a même soudainement vu le montant du capital qu’il restait à rembourser augmenter (jusqu’à plus de 100 000 €), au lieu de se réduire au fur et à mesure que les mois passaient !
Préjudice moral en plus des pertes financières
L’intérêt de l’arrêt de la cour d’appel réside également dans l’indemnisation accordée aux victimes en raison de leur préjudice. Elle a en effet encore augmenté les sommes octroyées en portant le montant total de 140 à 200 millions d’euros et en retenant notamment la notion de préjudice moral en plus des pertes financières. Ces indemnisations colossales sont proportionnelles à la gravité des faits et à l’ampleur des pratiques de BNP Paribas Personal Finance.
Moins satisfaisants sont les chiffres qui indemnisent l’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs, qui est néanmoins reconnu par la cour d’appel, soulignant que « c’est l’action des consommateurs et notamment de l’association UFC-Que Choisir qui a concouru avec les plaintes déposées à la constitution de la commission Lefebvre et à la modification en juillet 2013 de la réglementation en vertu de laquelle le prêt Helvet Immo est aujourd’hui interdit. Il est ainsi clairement établi que l’action des associations de consommateurs s’est révélée indispensable pour défendre l’intérêt collectif des consommateurs. » La cour alloue un montant de 100 000 € à l’UFC-Que Choisir contre 1 million en première instance au titre du dommage à l’intérêt collectif des consommateurs.
Il faut néanmoins placer ces montants (l’amende maximale de 187 000 € et la réparation de l’intérêt collectif) en regard des bénéfices abyssaux des établissements bancaires : 10,2 milliards d’euros par exemple pour BNP Paribas en 2022.