Élisa Oudin
Prêts du Crédit FoncierNouvelle condamnation
Nouvelle condamnation à l’encontre du Crédit Foncier de France (CFF) dans l’affaire des « prêts immobiliers à taux variables non capés ». Le tribunal de grande instance de Grenoble a jugé que le CFF n’a pas respecté son devoir d’obligation et de conseil.
« Absence d’avertissement explicite de l’établissement de crédit quant à l’absence de cap (ndlr, c’est-à-dire de plafond du taux d’intérêt) » : c’est pour ce motif que le tribunal de grande instance de Grenoble a jugé le Crédit Foncier coupable de manquement à son devoir d’information. Avec, toujours selon le tribunal, un préjudice lié à l’existence d’un amortissement négatif. Concrètement, avec l’envolée des taux d’intérêt à partir de 2007, plus les emprunteurs remboursaient et plus le capital dû augmentait ! Un véritable piège, sur lequel aucun des clients n’avait été mis en garde ou même seulement averti… Bien au contraire, la rédaction totalement alambiquée des prêts laissait croire qu’ils étaient sécurisés grâce au plafonnement du taux d’intérêt. En réalité, seules les mensualités étaient capées. Si les taux d’intérêt étaient en hausse, les mensualités augmentaient… jusqu’à une certaine limite (le fameux cap). Au-delà, si les taux continuaient de grimper, c’était le capital restant dû qui gonflait à son tour ! Le TGI de Grenoble a condamné le Crédit Foncier à rembourser aux emprunteurs tous les intérêts versés au-delà du plafond de la mensualité, que « les emprunteurs pouvaient légitimement croire qu’il s’agissait du cap du taux ».
Reconnaissance de culpabilité
Rappelons l’affaire : c’est entre 2005 et 2007, alors que les taux d’intérêt servant de référence aux prêts à taux variables étaient bas, que les prêts incriminés ont été souscrits. La rédaction des contrats de prêts et les arguments de vente des conseillers bancaires du CFF ont permis à la banque de vendre à tour de bras des contrats présentés à tort comme très compétitifs. Les nombreuses plaintes devant les tribunaux, la création d’un collectif des victimes et l’intervention de l’UFC Que-Choisir ont permis d’aboutir à une « reconnaissance de culpabilité » par la banque elle-même. Le Crédit Foncier a en effet reconnu sa culpabilité devant le juge pénal, le 21 janvier 2010. Il a avoué « s'être rendu coupable de pratique commerciale trompeuse sur les qualités substantielles des prêts commercialisés entre le 1er juin 2005 et le 31 décembre 2007, les consommateurs ayant été induits en erreur sur la prétendue existence d'une sécurisation du taux d'intérêt de leur prêt ». La banque a été condamnée à une amende de 50 000 € et au versement de 10 000 € de dommages-intérêts à l'UFC-Que Choisir, partie civile, pour le préjudice subi par la collectivité des consommateurs.
L’amortissement négatif sanctionné
Le dernier jugement rendu par le tribunal de Grenoble dans cette affaire est doublement intéressant. D’une part, il décrit très clairement le préjudice pour les consommateurs : l’existence d’un amortissement négatif, un « mécanisme totalement hors normes » selon le TGI de Grenoble. Cette décision pourrait redonner espoir à certains plaignants dans d’autres litiges financiers (par exemple les victimes des contrats Helvet Immo, ces prêts en franc suisse, commercialisés par une filiale de la BNP Paribas) qui se trouvent justement dans cette situation « hors normes » d’amortissement négatif. D’autre part, la décision intervient après une série de jugements défavorables aux consommateurs. Plusieurs juges qui avaient pourtant sanctionné la banque dans un premier temps ont, brusquement, et curieusement, changé d’avis… Le Crédit Foncier, pour sa part, n’a même pas fait appel de la décision du TGI de Grenoble. Celle-ci est donc définitive.