Élisa Oudin
Prêts du Crédit foncierCondamnation au civil
Voici donc la troisième, mais peut-être pas dernière, étape dans l’affaire des prêts à taux variables non capés (plafonnés) du Crédit Foncier de France (CFF). Après la reconnaissance de culpabilité de la banque concernant ces prêts commercialisés entre 2005 et 2007 et l’adoption avec les associations de consommateurs d’un protocole d’indemnisation, des condamnations au civil ont été prononcées par le tribunal de grande instance de Paris.
Trois nouvelles décisions ont été rendues contre le Crédit Foncier de France (CFF) par le tribunal de grande instance de Paris, aux mois de septembre et novembre 2011. Elles concernent des emprunteurs n’ayant pas bénéficié du protocole d’indemnisation. C’est dans le courant des années 2005 et 2006, alors que les taux d’intérêt servant de référence aux prêts à taux variables étaient encore bas, que les prêts mis en cause dans ces jugements ont été souscrits. La rédaction des contrats de prêts et les arguments de vente des conseillers bancaires du CFF laissaient croire faussement qu’il s’agissait de prêts à taux variable sécurisés.
Fausse sécurité
L’extrême complexité de la rédaction des contrats ne permettait absolument pas aux consommateurs non professionnels de s’apercevoir qu’en réalité, seules les mensualités étaient capées (plafonnées), mais pas le taux d’intérêt. Et qu’en cas d’envolée du taux d’intérêt (ce qui est arrivé), le client pouvait se retrouver en amortissement négatif. Suite notamment à l’enquête et la plainte déposée par l’UFC-Que Choisir, le Crédit Foncier a d’ailleurs reconnu sa culpabilité devant le juge pénal, le 21 janvier 2010. Il a reconnu « s'être rendu coupable de pratique commerciale trompeuse sur les qualités substantielles des prêts commercialisés entre le 1er juin 2005 et le 31 décembre 2007, les consommateurs ayant été induits en erreur sur la prétendue existence d'une sécurisation du taux d'intérêt de leur prêt ». La banque a été condamnée à une amende de 50 000 € et au versement de 10 000 € de dommages-intérêts à l'UFC-Que Choisir, partie civile, pour le préjudice subi par la collectivité des consommateurs.
Amortissement négatif sanctionné
Dans les deux jugements rendus le 22 novembre 2011, le tribunal a bien noté l’anomalie de l’amortissement négatif et le manquement au devoir d’information du banquier. Le jugement dispose qu’« il ne résulte d’aucune disposition de l’offre des conditions particulières et des conditions financières que dans certaines circonstances, les échéances pouvaient suffire à payer les intérêts, entraînant ainsi un amortissement négatif, ce qui s’est effectivement produit à compter du mois de novembre 2007. La société Crédit Foncier de France a donc nécessairement manqué à son devoir d’information ».
On peut peut-être regretter que le juge se soit seulement cantonné à l’absence d’information sur l’amortissement négatif et n’ait pas relevé l’extrême complexité de la rédaction des contrats, rendant quasi impossible la compréhension du mécanisme de hausse du taux.
Taux d’intérêt erroné
Dans le jugement rendu deux mois avant, le 16 septembre 2011 (1), le tribunal a reconnu l’aspect trompeur du taux d’intérêt et a condamné le Crédit Foncier à réintégrer dans le capital des plaignants la somme correspondant à la différence entre le taux pratiqué par le Crédit Foncier et le taux légal ; soit au minimum 10 000 € à rendre au plaignant et à déduire du capital à rembourser durant toute la durée du prêt.
« Nous avions également demandé, à titre subsidiaire, la condamnation pour manquement au devoir d’information et de conseil et l’obligation d’appliquer le prêt tel qu’il avait été compris par le client, c'est-à-dire avec un taux d’intérêt capé à 4,40 %. Mais le premier moyen a été retenu par le tribunal. C’était celui qui permettait la meilleure indemnisation de notre client », rapporte Me Hélène Féron-Poloni du cabinet Lecoq-Vallon et Associés qui défendait le plaignant. Dans cette affaire, le plaignant avait réclamé pendant plus d’un an au Crédit Foncier l’application du contrat tel qu’il avait été commercialisé, c'est-à-dire avec un taux d’intérêt capé à 4,40 %, mais en vain. La sanction financière prononcée contre la banque aura finalement été plus sévère…
(1) Ce jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris est une décision d’espèce. En effet, l’argumentation retenue n’est pas forcément applicable à tous les prêts à taux variables du Crédit foncier, contrairement aux décisions du 22 novembre 2011.