Elsa Casalegno
Pouvoir d’achatUn chèque alimentaire pour les plus modestes
Neuf millions de foyers devraient recevoir une aide de 100 € (et 50 € par enfant à charge) à la rentrée pour faire face à l’augmentation du prix des produits de grande consommation. Mais ce chèque d’urgence n’est pas réservé aux achats d’aliments, contrairement au projet initial.
Alors que l’inflation poursuit sa hausse, le versement d’un chèque alimentaire aux foyers les plus modestes a été confirmé le 29 juin par la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire. Cette disposition fera partie des mesures figurant dans le projet de loi « Pouvoir d’achat », présenté le 6 juillet en Conseil des ministres, puis débattu devant l’Assemblée à partir du 18 juillet. Les modalités d’un futur décret doivent être précisées, mais les grandes lignes sont d’ores et déjà connues :
- Combien ? Un petit coup de pouce de 100 € par foyer, auxquels s’ajoutent 50 € par enfant à charge. Ce montant sera versé à la rentrée. Budget total : environ 1 milliard d’euros.
- Pour quoi ? Contrairement au projet initial (lire l’encadré), ce chèque consistera sans doute en un versement unique, et ne sera pas conditionné à l’achat de produits alimentaires. Il s’agit davantage d’une aide d’urgence.
- Pour qui ? Les ayants droit seront sans doute les allocataires du revenu de solidarité active (RSA), de l’allocation adultes handicapés (AAH), du minimum vieillesse (Aspa) ou de l’aide personnalisée au logement (APL). Soit environ 9 millions de foyers.
- Quand ? Le versement devrait intervenir à partir de septembre 2022.
- Quelles démarches effectuer ? Les modalités précises ne sont pas encore fixées, mais il s’agira sans doute d’un versement automatique sur les comptes bancaires des foyers concernés, sans démarche particulière de leur part.
- Est-il reconductible ? Ce versement de 100 € est une aide d’urgence, dans un contexte de crise inflationniste. La création d’un chèque alimentaire pérenne, fléché vers des produits de qualité (bio, frais, fruits et légumes, autres) ou d’origine française, a été proposée dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat (lire l’encadré).
Un chèque, mais pour quels aliments ?
Parmi ses 149 mesures présentées en juin 2020, la Convention citoyenne pour le climat avait proposé « la création de chèques alimentaires qui pourront être utilisés pour acquérir des produits durables (issus de l’agroécologie, des circuits courts) ». Mais l’article 259 de la loi Climat et résilience d’août 2020 est nettement moins ambitieux, puisqu’il exige seulement que le gouvernement remette un « rapport » au Parlement « sur les conditions de la mise en œuvre du chèque alimentation durable ». Depuis, la réflexion se poursuit au niveau de trois ministères ‒ ceux de l’Agriculture, de la Santé et des Finances – mais aucun projet concret n’a encore vu le jour.
Selon le gouvernement, si la mesure tarde à se concrétiser, c’est parce qu’elle se heurte à des difficultés techniques, comme la liste des produits concernés (des fruits et légumes, des produits bio, des produits d’origine France, etc.), les lieux d’achat (supermarchés, petits commerces, marchés, vente directe, etc.), ou encore les modalités d’attribution.
Le futur chèque alimentaire pourrait s’inspirer des tickets-restaurants, à condition que les produits qu’on souhaite favoriser puissent être distingués des autres. Clairement fléché, il pourrait par exemple encourager les Français les plus modestes à acheter davantage de produits sains, en particulier des fruits et légumes, dont la consommation en France reste insuffisante au regard des préconisations des agences de santé publique. Pour qu’il puisse soutenir simultanément l’agriculture hexagonale, ce chèque imposerait aussi une « nécessaire clarification de l’origine des aliments utilisés » de la part des fabricants et des commerçants, souligne le think tank Agricultures stratégie. On en est loin…
Évidemment, chacun espère bénéficier de cette manne annoncée. Pour le syndicat agricole majoritaire FNSEA, il doit s’agir de produits « locaux, d’origine animale et végétale, pas ou peu transformés », défend Yannick Fialip, membre du conseil d’administration du syndicat. Objectif : ne pas opposer les différentes filières agricoles. La Coopération agricole, elle, demande que « tous les produits alimentaires » soient concernés, y compris les aliments transformés (que ses adhérents fabriquent), et pas seulement les fruits et légumes frais ou le bio, par exemple. Dans ce cas, néanmoins, l’ambition de favoriser l’achat d’aliments « sains » (en termes nutritionnels) s’envolerait.