Elsa Casalegno
Pouvoir d’achat (décembre 2022)Dernière hausse avant la poussée inflationniste de 2023
Électricité, gaz, viande, yaourts, croquettes pour chat, tickets de bus, mutuelles... Les prix de nombreux produits et services essentiels devraient connaître de nouveaux soubresauts dans les prochains mois. Sur le front de l’inflation, 2023 s’annonce tout aussi difficile que 2022, qui s’achève sur une hausse globale des prix de 6,3 % en décembre.
Il n’y aura pas eu de trêve des confiseurs. L’année 2022 finit sur une nouvelle hausse de l’inflation, à +6,3 % en décembre par rapport à décembre 2021. Les plus fortes augmentations concernent les produits de consommation courante achetés en grande surface, à +14,5 %. Les articles d’hygiène-beauté-droguerie affichent des hausses de 16 % en moyenne, tandis que l’alimentaire est à +14,2 %.
Du côté de l’énergie, les boucliers tarifaires continuent de faire effet, avec des augmentations de tarifs maîtrisées : stabilité pour le gaz, à peine +1 % pour l’essence, seulement +7 % pour l’électricité, +13 % pour le gazole et +32 % pour le fioul. En revanche, les hausses se confirment concernant les autres postes : équipement de la maison, forfaits, dépenses de logement, véhicules, transports et santé (+7 %).
Malheureusement, 2023 ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices. Il faut en effet s’attendre à de nouvelles flambées des tarifs, en particulier concernant les produits alimentaires et l’énergie, mais pas seulement. Explications.
Alimentation : un « tsunami » attendu en mars
Michel-Édouard Leclerc, patron des enseignes du même nom, prépare-t-il l’esprit des Français à une nouvelle flambée des prix des produits de grande consommation dans les prochains mois ? Début novembre, il avait annoncé un « tsunami » d’inflation en 2023, lors d’une interview sur RMC/BFMTV. Fin novembre, il twittait quelques exemples des hausses demandées par ses fournisseurs : +17 % sur les conserves de légumes, +20 % sur les conserves de fruits, +10 % sur le café, +10 % sur les féculents, +13 % sur la volaille, +11 % sur le papier, et jusqu’à +41 % sur la nourriture pour animaux !
Les fabricants d’aliments, de produits d’hygiène ou de droguerie font face à une explosion de leurs coûts de production depuis un an (matières premières agricoles et surtout énergie). Ils sont confrontés à des prix de l’électricité et du gaz multipliés par 3, 5, voire 10, alors que l’agroalimentaire est un secteur énergivore, en particulier pour cuire, stériliser ou congeler les aliments. Ainsi, les filières sucre, lait, surgelés et viande sont les plus exposées, de même que les conserves. Au point que certaines entreprises seront contraintes de fermer, au moins provisoirement. Le groupe Cofigeo (William Saurin, Garbit, etc.) a déjà annoncé avoir mis à l’arrêt quatre de ses huit usines, soit 80 % de sa production, selon ses informations. D’autres devraient suivre.
C’est dans ce contexte très tendu que le grand bal des négociations commerciales annuelles entre les distributeurs et leurs fournisseurs a débuté le 1er novembre dernier. Dominique Chargé, président de la Coopération agricole (les coopératives agricoles et agroalimentaires hexagonales), nous faisait part de son inquiétude, le 16 décembre : « Les industriels sont dans le rouge, et beaucoup ajustent à la baisse les volumes de production. Il n’y a pas pénurie, mais déjà des ruptures de stocks de certaines références. Les distributeurs le savent, pourtant ils ont une position extrêmement dure dans les négociations. Ils sont conscients des risques, mais ils vont pousser le plus loin possible, au motif du pouvoir d’achat des consommateurs. »
La plupart des hausses demandées pour les produits alimentaires se situent entre 10 et 20 %, avec une moyenne à 12 % (les +41 % des aliments pour animaux restent ‒ heureusement ‒ une exception). Pour préserver les fabricants hexagonaux, les enseignes seront contraintes de lâcher du lest, mais jusqu’où ? Les négociations doivent se clôturer au plus tard fin février. On en saura plus à ce moment, sur l’ampleur des augmentations de prix dans les rayons.
Énergie : ça chauffe dès janvier
Le bouclier tarifaire instauré par le gouvernement prendra fin le 1er janvier pour le gaz, et le 1er février pour l’électricité. Les tarifs réglementés devraient alors augmenter de 15 % (contre un plafond de 4 % en 2022), entraînant dans leur sillage les contrats indexés sur ces tarifs. Le gouvernement évalue l’augmentation moyenne des factures « de l'ordre de 25 € par mois pour les ménages qui se chauffent au gaz » et « de l'ordre de 20 € par mois pour les ménages se chauffant à l'électricité ». Et encore, cette poussée restera largement en dessous des cours du marché mondial de l’énergie.
Ce bouclier ne concerne que les ménages, les copropriétés, les logements sociaux, les plus petites entreprises et les plus petites communes. La quasi-totalité des entreprises subissent donc la hausse depuis de longs mois, qu’elles répercutent partiellement sur les prix de détail.
Transports : fin de la remise à la pompe et hausse générale
Côté route, la remise à la pompe de 10 centimes par litre sur les carburants expire au 31 décembre. Elle sera remplacée en 2023 par un chèque de 100 € pour les 10 millions de ménages les plus modestes (200 € pour les couples avec deux voitures), à condition de faire une demande d’aide. Heureusement, les prix de l’essence et du gasoil sont légèrement redescendus ces derniers mois, et la fin de la ristourne devrait être supportable. Mais il faut aussi compter avec la hausse des péages de 4,75 % en moyenne à partir du 1er février (sauf pour les véhicules électriques), la plus forte jamais enregistrée.
Côté rail, ça augmente aussi à grande vitesse : à partir du 1er janvier 2023, pour les Franciliens, le forfait Navigo augmentera de 12 % et le ticket à l’unité de 10,5 %. La hausse serait de 5 % à Lyon et Marseille, de 5,8 % à Grenoble, etc. Quant aux billets de train, ils prendront 5 % à partir du 10 janvier.
Mutuelles santé : ça va faire mal
Du fait de la réforme du 100 % santé et d’une surconsommation post-Covid (rattrapages de soins et autres dépenses de santé), les cotisations des mutuelles santé devraient s’accroître, avec des hausses qui atteindraient 10 % dès janvier.
Assurances : la faute aux voitures et au climat
Les polices d’assurance pour les automobilistes devraient progresser de 2 à 3 % en 2023, du fait de l’envolée du coût des pièces. Et il faut s’attendre à une flambée du côté des assurances multirisques habitation, du fait des sinistres climatiques d’un montant inédit en 2022.
Loyers : un bouclier jusqu’à l’été
Le gouvernement a instauré un bouclier loyer visant à freiner les hausses que les propriétaires et bailleurs pourraient être tentés de faire passer. Depuis le 3e trimestre 2022 jusqu’au 30 juin 2023, l’indice de référence des loyers (IRL) est plafonné à 3,5 % en métropole, à 2 % en Corse et à 2,5 % en outre-mer.
Forfait téléphone, streaming…
Les opérateurs de téléphonie ont d’ores et déjà annoncé des hausses sur leurs forfaits pour 2023. Concernant les abonnements de streaming vidéo, surveillez vos factures et méfiez-vous des offres d’abonnements low cost, qui risquent de susciter des déconvenues si vous aviez auparavant bénéficié du service normal.
Méthodologie
Que Choisir évalue le taux d’inflation mois par mois, à partir de ses propres observations. Pour près de 40 % des dépenses de consommation, nous disposons de données permettant d’évaluer des variations mensuelles de prix, basées sur nos relevés effectués en grandes surfaces (pour l’alimentation, la boisson et l’hygiène-beauté), ainsi que sur les offres tarifaires tirées de nos comparateurs de prix (énergie, carburants, mutuelles, forfaits mobiles, fournisseurs d’accès à Internet, assurances habitation, banques, équipements électroménagers). Chaque prix est ensuite pondéré par la fréquence d’achat et agrégé dans une moyenne générale.
Pour les autres postes de dépenses (loyer, dépenses de logement et de transport, hôtels et restauration, loisirs, habillement et santé), Que Choisir se réfère aux évaluations de l’Insee.
Attention : par convention, les variations de prix sur une période (par exemple pour le mois de mai 2022) sont calculées par rapport à la même période de l’année précédente (le mois de mai 2021). Ceci afin de s’affranchir des mouvements saisonniers des tarifs (par exemple ceux des fruits et légumes, très dépendants de la saison et des conditions de récolte).