Fabrice Pouliquen
Polluants éternelsUn nouveau PFAS bientôt réglementé dans l’Union européenne
L’Allemagne le demandait depuis décembre 2019… La Commission européenne vient d’adopter la restriction dans l’Union européenne (UE) d’une nouvelle famille de PFAS, ces polluants éternels. Mais pas sans bémols.
Ce fut long et ça le sera encore, mais une étape clé vient tout de même d’être franchie. Le 19 septembre, la Commission européenne a communiqué sur l’adoption d’une série de nouvelles mesures au titre du règlement Reach, qui encadre les substances chimiques dans l’Union européenne (UE). Parmi celles-ci figure la restriction d’utilisation du PFHxA et de ses substances apparentées. Ces composés chimiques sont l’un des sous-groupes qui composent la grande famille des per- et polyfluoroalkylés, plus connus sous le nom PFAS ou « polluants éternels ».
Pour rappel, ces milliers de substances ont pour point commun des liaisons chimiques carbone-fluor très stables. Un atout pour les industriels qui les utilisent massivement depuis les années 1950 pour leurs propriétés imperméabilisantes, résistantes à la chaleur, antiadhésives… On peut ainsi en trouver dans des poêles, des vêtements de sport, des emballages de fast-food, des mousses anti-incendie…
Dans certains textiles et imperméabilisants
Mais en raison toujours de la stabilité de leurs liaisons carbone-fluor, les PFAS sont aussi persistants, bioaccumulables et très difficiles à éliminer, d’où leur dénomination de « polluants éternels ». Ils s’accumulent ainsi depuis 70 ans dans l’environnement et de facto dans nos organismes, principalement via les aliments et l’eau qu’on ingère, mais aussi l’air et les poussières que l’on inhale. Si nos connaissances restent limitées sur ces PFAS, des études convergent pour leur attribuer des effets néfastes sur la santé. Ils sont ainsi soupçonnés d’être nocifs, cancérogènes (foie, reins), perturbateurs endocriniens, de favoriser l’obésité et le diabète, d’affecter la fertilité ou le développement du fœtus, etc.
Dans une enquête parue en août 2023, Que Choisir a recherché 100 PFAS dans des vêtements de sport, des nappes antitaches et des imperméabilisants. Premier constat : tous les produits étaient conformes à la réglementation. Autrement dit, aucun n’utilisait dans sa fabrication des PFAS prohibés par la réglementation européenne. Malheureusement, dans bien des cas, il leur avait été substitué des PFAS non réglementés : nous en avons trouvé dans plus de la moitié des produits analysés. Et les précurseurs du PFHxA (composés chimiques qui vont se dégrader dans le temps en PFHxA) figuraient justement parmi les substances les plus souvent détectées. Plusieurs vêtements ont même reçu la plus mauvaise appréciation à notre test car la somme totale de ces substances était élevée. Elle dépassait les 1 000 parties par milliard (ppb).
Nous avons alors dénoncé une réglementation encore bien trop minimaliste et des lenteurs pour la faire évoluer. Pourtant, dès décembre 2019, l’Allemagne a proposé une restriction européenne des PFHxA et ses dérivés dans l’Union européenne, à laquelle l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) a rendu un avis favorable en 2021. « Il est consternant de constater que ce renforcement de la réglementation n’a toujours pas abouti », écrivions-nous dans cette enquête d’août 2023.
Des seuils de tolérance trop peu stricts ?
Un peu plus d’un an plus tard, nous y sommes donc, avec l’adoption par la Commission européenne de cette restriction du PFHxA et de ses substances apparentées. Elle interdira leur vente et leur utilisation dans les textiles, les emballages alimentaires (comme les boîtes à pizza), les sprays imperméabilisants, les produits de soins de la peau et certaines applications de mousse anti-incendie (pour de la formation par exemple), annonce Bruxelles dans son communiqué. Avec des tolérances tout de même. L’interdiction ne concernera que les produits dont la somme du PFHxA et ses sels dépasse les 25 parties par milliard (ppb) et/ou dont la somme des substances apparentées au PFHxA (dont ses précurseurs) dépasse 1 000 ppb. Si la première valeur limite (25 ppb) est plutôt faible (et donc suffisamment stricte), ce n’est pas le cas de la seconde. Pour rappel, en janvier 2023, 5 pays européens ont déposé une proposition de restriction de l’ensemble des PFAS bien plus drastique. Celle-ci, toujours en cours d’examen par l’Echa, prévoit ainsi une concentration tolérée dans un produit de 250 ppb pour la somme totale des PFAS… dont les PFHxA et dérivés ne sont donc qu’une petite partie.
C’est un premier bémol concernant cette nouvelle restriction adoptée le 19 septembre. Autre limite : elle ne s’appliquera qu’à certaines applications. Celles pour lesquelles « le risque n’est pas correctement contrôlé, des alternatives sont disponibles et les coûts socioéconomiques seront limités par rapport aux avantages pour la santé humaine et l’environnement », précise le texte. Les utilisations du PFHxA et de ses substances apparentées dans les semi-conducteurs, les batteries ou les piles à combustible pour l’hydrogène vert ne seront pas concernées, par exemple.
De longues périodes transitoires prévues
Enfin, dernier bémol, il faudra encore s’armer de patience avant que cette nouvelle restriction entre pleinement en vigueur. Comme toujours, la Commission européenne prévoit des périodes transitoires (entre 18 mois et 5 ans) qu’elle justifie par la nécessité de laisser le temps aux industriels de trouver des alternatives.
Peut-être ira-t-on plus vite en France. Une proposition de loi, portée par le groupe écologiste, prévoit d’interdire la fabrication, l’importation et la vente de certains produits contenant des PFAS dès 2026 pour trois catégories d’articles de grande consommation : les farts de ski, les cosmétiques et les textiles d’habillement. Le texte a été adopté en première lecture par les députés le 4 avril puis par les sénateurs le 30 mai. Il doit être examiné en deuxième lecture, d’ici la fin de l’année, en vue de son adoption définitive.