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Pokémon GoPotentiellement cher, dangereux et trop curieux

Quelques jours après avoir renversé l’Australie, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, le tsunami Pokémon Go gagne la France. Le jeu de capture de petits monstres (les Pokémon, donc) est en effet disponible en téléchargement dans les boutiques App Store (iPhone) et Playstore (Android) depuis le dimanche 24 juillet. Innovant, Pokémon Go l’est sans conteste : il mêle astucieusement jeu vidéo et réalité augmentée. Mais le jeu est aussi très curieux en matière de données personnelles, potentiellement coûteux et même parfois dangereux. Explications.

La folie Pokémon se décline désormais sur smartphone. 20 ans après la sortie du premier jeu vidéo sur la mythique console Game Boy, qui actait la naissance d’une saga planétaire (25 jeux vendus à des dizaines de millions d’exemplaires et source de nombreux produits dérivés), Nintendo et l'éditeur Niantic ont su coller à son époque. Désormais, les joueurs chassent ces petits monstres en réalité augmentée, grâce à l’appareil photo de leur smartphone (iOS ou Android).  Ils sont géolocalisés en temps réel, connectés à Internet, et jouent principalement en extérieur, où Bulbizarre, Rattata et les autres Pokémon peuvent surgir à chaque coin de rue. Il suffit de les viser avec le capteur photo et de les viser avec des Pokéball pour les attraper.

Le jeu Pokémon Go passe en mode réalité augmentée quand un Pokémon surgit.

Jusqu’à 100 € pour des Poképièces

Le concept est décapant, le jeu amusant, et le succès au rendez-vous. Surtout pour Nintendo et Niantic. Le jeu, téléchargeable gratuitement, propose en effet des achats depuis l’application (ce sont les achats « in-app » ou « intégrés »). Le joueur peut ainsi acheter des Poképièces pour progresser. Comptez 0,99 € pour un lot de 100, 4,99 € pour un lot de 550, 9,99 € pour un sac de 1 200 et jusqu’à 99,99 € pour un trésor de 14 500 (notez qu’en bons commerçants, Nintendo et Niantic pratiquent des tarifs dégressifs…). Méfiez-vous si vous avez configuré des achats partagés au sein de la famille dans le Google Playstore ou dans l’App Store : vous êtes responsable des dépenses de tous les membres du groupe ! L’histoire a déjà montré que les enfants ne sont pas toujours conscients des dépenses engagées dans les boutiques en ligne.

Les achats intégrés à l’application peuvent atteindre une centaine d’euros !

Accidents en cascade

Pour engranger des Poképièces et d’autres objets, les chasseurs trouveront également facilement autour d’eux (du moins dans les agglomérations) des Pokéstop. Ces points de ravitaillement sont localisés sur la carte représentée sur leur écran. Du coup, la plupart marchent tête baissée, les yeux rivés sur leur smartphone. Idem pour aller chercher un Pokémon une fois qu’il s’est annoncé sur la carte ou pour organiser des combats dans une arène. Complètement captivés, les joueurs provoquent des accidents et les attroupements se multiplient. Collisions entre piétons, rassemblements soudains quand un Pokémon rare surgit (comme il y a quelques jours à  New-York et à Seattle)… On déplore même des accidents de voiture. À Baltimore, aux États-Unis, un véhicule a percuté une voiture de police (sans faire de victimes), à cause d’un conducteur absorbé par son jeu. En France, la gendarmerie nationale s’est fendue d’un tweet de prévention « Conducteurs, ne jouez pas à #PokemonGo » ! Dans certains pays, la situation peut s’avérer plus préoccupante. En Bosnie, par exemple, où 2,3 % du territoire est encore miné, une ONG a alerté les joueurs à l’approche de zones à risque (il existe des moyens détournés de télécharger Pokémon Go même lorsqu’il n’a pas été officiellement lancé localement).

La gendarmerie nationale (sur Twitter) et Nintendo mettent en garde les joueurs.

Coup de chaud sur le smartphone

Parce qu’ils se promènent smartphone en main et le lèvent régulièrement pour capturer un monstre, les joueurs attisent forcément l’œil des voleurs. Mieux vaut tenir fermement l’appareil. Sachez aussi qu’une connexion Internet est indispensable. Les joueurs consomment donc de la data. Aux États-Unis, où les forfaits mobiles sont moins généreux et beaucoup plus chers qu’en Europe, la question préoccupe les parlementaires. Dans un courrier adressé au PDG de Niantic (la société qui a développé Pokémon Go), ils s’inquiètent notamment de l’information du joueur. En réalité, les volumes de données nécessaires ne sont pas gigantesques (les estimations évoquent 250 Mo par mois pour les plus mordus). Sans un forfait adapté, attention quand même à la facture. Mais l’application est nettement plus gourmande en énergie : écran allumé, puce GPS activée, connexion Internet permanente… La batterie du smartphone est fortement sollicitée ! La meilleure arme du chasseur ? Une batterie externe, et de grande capacité s’il-vous-plaît !

Collecte de Pokémon pour le joueur, collecte de données pour l'éditeur

Au sein du jeu, Nintendo et Niantic collectent de nombreuses données sur les joueurs. Avant de se lancer à la chasse aux Pokémon, il est nécessaire de créer un compte ou bien de se connecter avec son compte Facebook ou Google. Dans tous les cas, Nintendo et Niantic accèdent à vos noms et prénoms, à votre e-mail, à votre numéro de téléphone, à l’adresse IP et au numéro d’identification de votre smartphone. Si vous partagez une image de votre partie sur les réseaux sociaux, le géant japonais pourra la réutiliser à sa guise, comme il l’annonce dans sa politique de confidentialité. Il s’accorde également le droit de collecter votre âge, sexe, pays de résidence, date de naissance, ainsi que vos loisirs, jouets et jeux préférés. Nintendo et Niantic enregistrent aussi votre localisation, et précise que « des publicités et certains contenus pourraient s'afficher en fonction de ces données. » Traduisez que si Nintendo et Niantic ne gagnent pas assez en vous vendant des Poképièces, ils afficheront de la pub pendant que vous chasserez. Enfin, reconnaissons au groupe une certaine volonté de transparence lorsqu’il annonce que toutes les informations des joueurs sont stockées aux États-Unis dans le respect de l’accord Safe Harbor (qui encadre le transfert des données personnelles des consommateurs européens). Un gros bémol toutefois : il est désuet, puisqu’invalidé en octobre 2015 par la Cour de justice de l’Union européenne. Le Privacy Shield a, depuis, pris la relève. L’UFC-Que Choisir émet d’ailleurs des réserves sur ce nouvel accord, qu’elle n’exclut pas de remettre en cause en cas de garanties insuffisantes pour le consommateur.

Le marketing au coin de la rue

Les commerçants se délectent déjà de l’engouement autour de Pokémon Go et de l’important potentiel marketing que recouvre le jeu. But a dégainé le premier en organisant une opération baptisée #ButAttrapezLesTous, qui promettait 200 € de bons d’achat aux deux premiers joueurs capturant des Pokémon dans l’un des 200 magasins participants (21-23 juillet). Dans son magasin de Saint-Michel (Paris V), Monoprix offre un sac contenant de la crème solaire, une boisson et une barre de céréales pour requinquer les chasseurs après leurs heures de marche. Et d’autres enseignes préparent leur coup.

Camille Gruhier

Camille Gruhier

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